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Coaching d'écriture
Dans cette page vous trouverez des textes de M. André Gervais, auteur du livre
« On ne sait jamais ce que le passé nous réserve »
Membre de JMV, sa collaboration de longue date avec l'Association prend un nouveau tournant et nous ne pouvons que souligner sa générosité à nous partager ses recherches, ses réflexions et ses conseils.
N'hésitez pas à dérouler la page jusqu'en bas pour lire toutes les publications...
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Nouvelles publications 2022 à partir du no#15
15. L’influence des objets
Vous rappelez-vous des décors de votre petite enfance ? Si votre mémoire seule ne peut y arriver, des photographies pourraient vous montrer la cuisine, le salon, la chambre où vous jouiez enfant ? Les maisons où vous avez habité.
Selon que les pièces de la maison étaient rangées ou désordonnées, encombrées ou dégagées, empreintes de simplicité ou d’excentricité, ces lieux ont-ils pu marquer votre psychisme ?
Y avait-il des livres, des objets décoratifs, des meubles de valeur, des gravures sur les murs ? Une radio ou un tourne-disque transmettaient-ils parfois de la musique ? Chansonnettes, musique du monde, musique populaire, classique ?
Vous souvenez-vous de vos jouets ? En aviez-vous plusieurs ? En changiez-vous souvent ?
Les objets ordinaires pouvaient-ils aussi vous intéresser et solliciter votre imagination et votre créativité ? Une corde, un caillou, une balle, un morceau de tissus, une boîte ?
Pouvez-vous aujourd’hui, avec le recul, déterminer si tous ces objets, que vous aimiez retrouver, étaient là pour stimuler votre sens de l’observation, combler un vide affectif, affirmer votre pouvoir ou simplement vous distraire.
L’un d’entre eux avait-il votre préférence ? Qu’en faisiez-vous ? Que représentait-il pour vous ? Concentrez votre attention sur l’un d’entre eux et identifiez les émotions et les pensées qui vous viennent. Associez l’état dans lequel vous vous trouvez avec ces scènes de votre petite enfance.
Pensez maintenant aux objets dont vous vous entourez encore aujourd’hui.
Si vous êtes collectionneur par exemple, la nature des objets que vous accumulez pourra en dire long sur le type de rapport que vous entretenez, plus ou moins consciemment avec la représentation de ces objets.
Dans son livre La quête de l’objet – pour une psychologie du chercheur de trésor,
le psychologue Hubert Van Gijseghem * déclare que cette pulsion à établir des collections d’objets
« semblables, mais différents », relève d’une stratégie pour assurer le confort, sinon la survie d’un sujet anxieux.
Gijseghem explique que le choix des objets collectionnés révèle « tout un pan de la personnalité du collectionneur ».
Au cours des années avez-vous constitué des collections d’objets particuliers que vous avez conservés, que vous possédez peut-être encore aujourd’hui ? Des poivrières, des poupées, des allumettes, des cartes postales, de vieux journaux, des vases, des ustensiles, des documents, etc. ?
Que représentent ces objets pour vous ?
Pourraient-ils représenter une dimension de votre personne, un aspect de votre histoire intime ?
Voyez le cas de cet homme qui avait toujours porté des couvre-chefs et qui en collectionnait de surcroît.
Il s’amusait parfois à contempler sa collection, mais il ne savait ni pourquoi il conservait ces vêtements ni ce que ces derniers représentaient pour lui.
Son comportement de collectionneur prit tout son sens le jour où, dans le cadre d’une analyse autobiographique, il observait quelques photos de famille.
Ces dernières le montraient au côté de son père, officier militaire, ce dernier portant selon les circonstances, casque, béret, képi et un chapeau pour les sorties en ville.
Son père, imposant et sévère, portant fréquemment un couvre-chef, avait très tôt représenté pour lui une autorité morale, un exemple de dignité, une force rassurante, un rempart indestructible.
Du coup une énigme de son enfance se révélait claire.
S’il était parvenu à garder de son père un sentiment de respect et de considération, alors que sa mère l’en avait toujours découragé par les critiques acerbes qu’elle lui adressait constamment, c’était bien que la profession, la tenue, la résignation de son père incarnaient la sécurité dont il avait besoin pour supporter les carences que lui faisait connaître un milieu familial exempt d’affection et de familiarité.
Malgré des humiliations qui auraient pu détruire l’image de son père à ses yeux, cet homme avait investi dans les couvre-chefs de ce dernier l’assurance et l’autorité qui lui manquaient.
« Il s’était approprié ce vêtement pour se protéger non seulement des éléments naturels, mais plus encore pour se préserver des sentiments de honte ou de colère qui sommeillaient en lui. » **
En ce qui vous concerne, que pourraient représenter tous ces bidules, ces objets, ces vêtements que vous accumulez en surnombre et auxquels vous tenez tant malgré que vous ne les utilisiez pas souvent. Cela peut-il répondre à des besoins voire à des désirs qui n’ont pas trouvé satisfaction dans l’enfance ?
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À lire
« On ne sait pas ce que le passé nous réserve » a aussi été publié sous le titre
Écrire sa vie pour la comprendre. André Gervais, chez First Editions, Paris 2017.
* Hubert Van Gijseghem, La quête de l’objet — pour une psychologie du chercheur de trésor, Hurtubise, 1985
** Extrait du manuscrit « Comment en suis-je arrivé là » à paraître à l’automne 2019 chez EDILIVRE.
14- Votre prénom
Le choix du prénom est rarement laissé au hasard; il se comprend lui aussi à partir du contexte familial et social de l’époque. Aussi, qu’il s’agisse de votre prénom usuel ou de celui qu’on vous a donné par la suite, il peut apporter un certain éclairage à votre histoire.
Au Québec comme en France le choix du prénom provoque chez les parents de longues réflexions et d’intenses discussions.
Plusieurs ont l’idée que le prénom aura des conséquences concrètes pour leur enfant, que ce dernier n’aura pas le même destin s’il s’appelle Pascale ou Danielle, Éric ou Justin. Le choix peut aussi exprimer les croyances et les convictions politiques d’un parent.
Toutes sortes de superstitions et de pressions sociales s’exercent. Des motifs inconscients peuvent aussi jouer et projeter dans le futur des secrets de famille.
Un prénom peut aussi bien cacher des secrets qu’être complètement anodin.
Décortiquer le vôtre pourra vous apporter un éclairage nouveau sur votre individualité.
Demandez-vous qui a choisi votre prénom? S’il vient du côté maternel ou paternel? Est-il chargé d’une histoire qu’il vous reviendrait inconsciemment de perpétuer?
Reprend-il un prénom de la lignée familiale? S’agit-il d’un nom composé dont l’un des termes s’inscrit dans une série qui présente un intérêt ou une signification particulière? Réfère-t-il à un notable dans l’actualité de l’époque? Veut-il mettre en valeur ou à rappeler un personnage historique, religieux, autre?
Si vous tenez votre prénom d’un ancêtre, pouvez-vous faire le portrait de ce dernier? Connaissez-vous sa vie, les événements importants qui l’ont marqué, ses réalisations particulières, les raisons de son décès?
Par ailleurs, il existe divers ouvrages qui définissent la signification des prénoms. Vous pouvez en consulter un et voir s’il se trouve des informations qui s’appliquent à vous ou qui vous disent quelque chose de vous.
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017
13- Votre naissance et vos premiers moments d’existence
Sans jouer au psychologue, on peut imaginer par exemple que certaines conditions
d’un accouchement, la nature particulière de certains événements survenus au cours
des premières semaines de la vie, les caractéristiques de notre premier milieu de vie,
nos premières relations avec les adultes… imaginer que ces faits puissent être à l’origine de certaines angoisses, de certaines peurs ou de certains sentiments de culpabilité qui auraient pu orienter votre histoire personnelle.
À la naissance, mère et enfant peuvent avoir connu des risques mortels, des interventions chirurgicales spéciales, une hospitalisation post-partum, des événements dont personne n’aura osé parler et qui sont porteurs d’émotions traumatisantes qui continuent d’agir, souvent inopinément et qui auront pu influencer votre façon d’être, d’agir et de réagir dans la vie. Votre parcours aura pu en être marqué.
Plusieurs ignorent ces conditions qu’ils ont vécu aux premières semaines de leur existence. Parfois, au contraire, la personne connaît très bien le récit traumatisant d’une naissance que sa mère n’aura pas manqué de lui rappeler « À cause de toi j’ai failli mourir » ou alors « tu étais tout bleu… j’ai cru que tu étais mort », ou encore « ton père était déçu de ne pas avoir un garçon… ». On peut imaginer les sentiments que de tels propos peuvent causer chez un enfant.
Les expériences affectives de votre enfance sommeillent en vous. Joies et chagrins sont gravés dans votre in-conscient. Ces émotions anciennes influencent peut-être vos comportements adultes. Elles peuvent reprendre vie, se manifester dans votre conscience, éclairer votre travail autobiographique et vous être très utile pour l’avenir.
Votre naissance a-t-elle été désirée ou simplement acceptée comme un fait ou un accident? Avez-vous le sentiment d’avoir été aimé et chéri par vos parents? Dans quelles conditions votre naissance s’est-elle déroulée? Facilement, difficilement? Avez-vous été séparés de votre mère? De votre père?
Vous a-t-on dit comment s’étaient passés vos premiers jours, premières semaines ? Étiez-vous ce qu’on appelle un « bon bébé », ou plutôt un bébé fragile, capricieux, exigeant ? Une grand-mère, une tante, une voisine, quelqu’un est-il venu porter assistance à votre mère, voir remplacer celle-ci ? Quel rang occupiez-vous dans la famille ?
Votre premier milieu de vie
À mesure que l’individu évolue, le milieu et l’entourage révèlent des potentialités innées. L’enfant est constamment en relation avec un environnement dont les changements stimulent son développement. Ses apprentissages ne s’effectuent pas uniquement sous l’effet de l’environnement physique. L’environnement social joue un grand rôle. L’observation du comportement d’autrui et de ses conséquences fournit la plupart des modèles de comportement qui seront adoptés.
L’homme se construit dans la famille, dans la rue, à l’école. Il parle la langue qu’il entend dans son milieu, il pense avec des conceptions élaborées par toute une série de générations précédentes, il voit autour de lui d’autres personnes et leur manière d’être; il perçoit un certain ordre qui influe sur lui à tout moment. Comme une éponge, il s’imbibe d’impressions toujours nouvelles.
Tout cela contribue à le façonner comme individu.
Il sera aussi intéressant de prendre en compte ce qui se déroulait dans votre famille, dans la société, dans le monde à l’époque de votre conception.
Connaissez-vous le climat affectif, social, économique, politique dans lequel vivaient vos parents au moment de votre conception et de votre petite enfance? Ce climat a constitué l’incubateur de l’être que vous alliez devenir. Pouvez-vous décrire de contexte de votre arrivée au monde? L’imaginer un instant? Ressentir les émotions qu’il vous inspire?
Au départ, quelles personnes composaient votre milieu social? En plus de vos frères et sœurs et de vos parents, qui venaient à la maison? Vos sœurs et frère ainés recevaient-ils des amis chez vous? Oncles, tantes, voisins, amis de vos parents vous visitaient-ils occasionnellement? Souvent? Vos parents visitaient-ils les membres de leur famille, vous y amenaient-ils? Partagiez-vous des jeux avec vos cousins, vos cousines? Fréquentiez-vous vos grands-parents?
Avez-vous gardé souvenirs de gestes, de comportements, de déclarations de l’un ou l’autre de ces person-nages qui venaient parfois chez vous et dont la présence attisait votre curiosité?
Et puis, quel milieu vous a vu naître ? Où habitait votre famille ? En ville, en banlieue, à la campagne ? Vos parents habitaient-ils dans une maison, un appartement ou un logement ? Peut-être avez-vous des photo-graphies qui décriront, mieux que tout, les premières images qui ont marqué votre imaginaire d’enfant.
Possédez-vous d’autres informations intéressantes sur cette période de votre vie ?
Toutes ces informations vous permettent sinon de décrire votre petite enfance dans le corps de votre autobiographie, au moins de vous connaître mieux et de comprendre certains de vos comportements actuels.
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017
12- Le contexte de votre arrivée au monde
Il nous arrive de reconnaître dans nos habitudes, dans nos attitudes, dans nos gestes
quotidiens même, des caractéristiques de l’un ou l’autre de nos parents. Cela nous
laisse souvent un drôle de sentiment.
Peut-être avez-vous parfois l’impression bizarre d’agir comme un automate, d’être programmé pour agir com-me vous le faites sans que votre raison ait pu faire un choix préalable sur telle conduite à tenir, telle posture à prendre, telle réponse à offrir.
À d’autres moments, vous observez probablement chez vos enfants des attitudes et des manies qui vous res-semblent tellement que vous en restez bouche bée.
Vos parents sont présents en vous et vous êtes présents dans vos enfants de façon subtile, dissimulée, parfois même insidieuse. Le phénomène s’accompagne de répétitions intergénérationnelles.
Découvrir et comprendre ces composantes de votre caractère permettra de mieux vous comprendre et éven-tuellement de donner à votre biographie une plus grande authenticité.
D’abord, partir de vous-même et explorer vos propres fondations. Faire l’inventaire de vos propres bagages. Enquêter sur votre propre parentèle. Explorer le contexte de votre arrivée dans la vie. Poser le décor de cette pièce, cette comédie dramatique dont vous avez été acteur autant que figurant.
Comédie dramatique au sens que Charlie Chaplin donnait à son cinéma, expliquant que « La vie est une tragédie si vous la regardez en plan rapproché et une comédie si vous la regardez de loin ». Façon de dire qu’avec le temps la nature des choses pourra paraître différente, moins tragique, compréhensible en tout cas.
Vous êtes nés fils ou filles de quelqu’un, dans tel lieu et telles conditions matérielles et sociales. Et depuis ce temps, au fil de vos rencontres, vous vous êtes construit avec ce qui vous a été offert, ce dont vous vous êtes nourris au propre comme au figuré.
Vous n’êtes pas nés d’un « bing bang » biologique! Vous êtes nés parce que vos parents se sont rencontrés un jour. Était-ce un hasard? Leur histoire de couple était-elle l’héritière de celle de leurs parents respectifs, de leurs coutumes, de leur morale, de leurs rêves? Toutes ces choses plus ou moins consciemment placées dans leurs valises, puis transférées dans les vôtres et sur lesquelles vous pourriez aujourd’hui jeter un nouveau regard.
Aujourd’hui, vous êtes héritiers d’une personnalité[1]construite de nombreux matériaux, dont l’image, les comportements et les principes auxquels vous avez été confrontés au contact de vos éducateurs. Que vous les ayez acceptés ou rejetés, ces éléments ont influencé votre façon d’être.
Tous les écrivains et biographes intéressés à cette période de leur vie se sont posé les mêmes questions : comment mes parents se sont-ils rencontrés? Pourquoi ont-ils décidé de faire route ensemble? Comment ont-ils vécu les premiers moments et les premières années de leur vie de couple? Quand et comment ont-ils décidé de faire cet enfant que je suis devenu? Dans quelles circonstances la conception a-t-elle eu lieu? Comment s’est déroulée la grossesse? Maman était-elle en bonne santé, était-elle heureuse d’être enceinte? Des événements particuliers se sont-ils produits pendant sa grossesse? Comment s’est passé l’accouchement?
L’humain s’explique en partie par le contexte de sa conception. Tout ce qui se passait entre les parents, à cette époque précise, sera important pour la suite de la vie de l’enfant. Il y a bien des chances que vous portiez des traces de cette période.
Vous pouvez prospecter cet aspect de la vie de vos parents qui vous concerne en partie. Toutes les infor-mations ne sont peut-être pas disponibles, mais si vos parents vivent encore, vous pourriez les interroger sur leur passé et le vôtre.
Si vous avez dressé votre arbre généalogique, montrez-le à vos parents si cela est possible, et demandez-leur de préciser certains détails, de commenter certaines coïncidences, d’expliquer certains événements? Vous connaîtrez mieux cette période de l’existence qui vous précédait.
En tête-à-tête, dans une atmosphère chaleureuse et détendue, vous pourriez leur demander de commenter de vieilles photographies montrant cette époque qui vous a précédé et qui vous a vu naître. Et si cela est possible, pourquoi ne pas retourner avec eux dans le quartier où vous êtes né ? Leur demander de raconter leurs fré-quentations, leur mariage, votre naissance, leur vie de couple, leurs souvenirs heureux et malheureux?
Une telle visite pourra éveiller des souvenirs et des émotions utiles. C’est ce qu’indique Christine Ulivucci lorsqu’elle écrit :
« Le retour sur son lieu de naissance est un acte particulièrement porteur qui peut révéler ce qui a été inscrit et ancrer une nouvelle naissance à soi-même. Pour beaucoup, ce sera la découverte d’un lieu quasiment incon-nu… un face-à-face avec son histoire. »[2]
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017
[1] La personnalité est l’ensemble des traits par lesquels s’expriment la différence, l’originalité, l’identité de chaque être humain; combinaison de caractéristiques émotionnelles, d'attitude et de comportement d'un individu ; synthèse complexe et évolutive
des données innées et acquises.
[2] Christine Ulivucci, « Ces photos qui nous parlent », Payot, 2014. P. 222
10- Votre arbre généalogique
Il s’agit de recueillir un ensemble d’informations concernant vos ancêtres, grands-parents
et parents en particulier. Connaître leurs antécédents personnels, leurs origines, les
lieux où ils ont vécu, leurs occupations, leurs loisirs, leurs préoccupations, etc.
Le but est de vous donner un aperçu des événements passés qui ont conditionné votre arrivée dans ce monde et qui l’ont orientée peut-être aussi dans la direction qui fut la vôtre.
Vous pourriez monter des fiches pour chacun de vos ancêtres et y inscrire les données pertinentes à votre démarche, les renseignements concernant le contexte de leur naissance, de leur personnalité et de leur parcours de vie.
Vous éviterez le piège des nomenclatures de dates, de lieux et de personnes, c’est le contexte qu’il vous importe de connaître.
Ignorer les préoccupations, les combats, le sens de l’existence de vos grands-parents, et l’influence de ceux-ci sur vos parents, vous priverait de données essentielles à la compréhension de votre propre parcours.
Heureux si vous pouvez consulter directement les témoins, avoir recours à un parent encore vivant, un oncle, une tante, un de leurs vieux amis qui vit encore et qui se ferait un plaisir de raconter des choses et de vous faire connaître vos grands-parents et vos parents.
Pour mieux voir, comprendre et interpréter ce scénario, le psychanalyste Bruno Clavier vous propose une méthode pratique : « Par l’étude de l’arbre généalogique, mis à plat de façon exhaustive, les noms, prénoms, dates de naissance, de mariage, de mort et de traumatismes des aïeux sont autant de traces de ces tremblements de terre originaux capables de provoquer, bien longtemps après, de véritables « tsunamis » familiaux.
Le repérage de la répétition de ces signifiants tout au long de la chaîne généalogique peut permettre de remonter, à partir d’un symptôme d’aujourd’hui jusqu’à la source d’hier, parfois à cinq, voire sept générations antérieures.
Ce n’est souvent qu’au prix de ce travail de recherche qu’un descendant peut enfin métaboliser cette émotion résiduelle qui parasite et qui n’appartient pas à son vécu...[1] ».
Ainsi, dresser votre arbre généalogique vous permettra, sinon d’élucider certaines questions, du moins d’élaborer certaines hypothèses.
D’abord, avez-vous connu vos grands-parents? Saviez-vous où et comment ils vivaient? Pourriez-vous reconstituer leur vie affective ? Quels étaient les métiers de vos grands-parents au moment de la naissance de votre père et de votre mère ?
Combien vos grands-parents ont-ils eu d’enfants? Quelle était la place de vos parents dans leurs familles respectives ?
Voyez-vous des coïncidences, des points communs, des répétitions entre les générations présentées dans votre arbre généalogique ?
Certains comportements se sont-ils répétés jusqu’à vous ? Remarquez-vous des ressemblances sur le plan du caractère, des attitudes, des caractéristiques physiques entre les générations ?
Des histoires ont-elles circulé concernant un membre de la famille, des rumeurs ou des secrets dont vous soupçonniez l’existence ? Certains ont-ils été impliqués dans des événements importants ? Au plan social ? Politique ? Économique ? Culturel ? Des meubles, des tableaux, des ustensiles, des documents, des outils, des bijoux se transmettent-ils de génération en génération?
Il s’agit donc pour vous de trouver, par intuition au départ, le sens spécifique contenu dans tous ces éléments qui se répètent depuis quelques générations et dont vous venez de remarquer l’existence.
La recherche de tous ces indices transgénérationnels vous permettra peut-être de comprendre votre vie, vos choix personnels et professionnels, vos succès et vos échecs, enfin toutes les choses qui vous sont survenues, sans que ce soient nécessairement des expériences difficiles ou traumatisantes.
Car, il faut bien le dire, les événements qui expliquent votre destinée peuvent également être heureux, et tous ces petits bonheurs pourraient même constituer l’essentiel de votre témoignage.
La démarche autobiographique ne cherche pas à étaler des malheurs, à élaborer une longue plainte, à accuser le passé. Il s’agit simplement d’identifier et d’assumer son passé… y inclus son passé antérieur.
Il s’agit de se raconter, de prolonger sa présence par l’écriture ; avant tout de se retrouver et de se comprendre à travers cette écriture, de donner du sens à ce que l’on a vécu pour pouvoir vivre plus librement.
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017
[1] Clavier, Bruno, Les fantômes familiaux -psychanalyse transgénérationnelle, Payot, 2013, p. 50 #10 - Votre arbre généalogique
09- Notre véritable identité ?
Nous sommes à nos parents ce que nos parents sont aux leurs. Nos parents
ont été exposés à l’influence subtile et inconsciente de leur milieu familial,
comme nous l’avons été nous-même.
De génération en génération, le génome a enregistré des façons d’être et de faire répondant
aux diverses situations de la vie, certaines issues de conflits non résolus ou de perceptions erronées.
Si la recherche généalogique peut satisfaire notre besoin d’identité, elle peut aussi nous permettre de discer-ner des éléments de notre passé qui parasitent notre authenticité.
En faisant un travail sur soi, non seulement allons-nous pouvoir nous libérer de certains conditionnements, mais en témoignant à nos enfants nos découvertes, nous permettrons à notre lignée familiale de se libérer, puisque nous allégerons le poids des bagages que nous leurs avions transmis et dont ils n’étaient pas conscients.
Nous possédons une carte d’identité et un état civil qui ne laissent généralement aucune équivoque sur l’existence de notre personne physique. Nous sommes répertoriés dans des dizaines de fichiers qui établissent notre statut social, notre expérience professionnelle, nos associations.
Toutefois, cette identité n’est que superficielle, car issue surtout de conjonctures et d’apparences. Du jour au lendemain, notre monde peut s’écrouler : chômage, déménagement, deuil... Tout change si vite, nous pour-rions ne plus nous reconnaître, ne plus être à la hauteur de la personne que nous avons l’habitude de voir dans le regard des autres ! Cette identité-là ne suffit pas, ne suffira pas toujours.
Aujourd’hui, pour des raisons affectives ou professionnelles, plusieurs familles sont éclatées physiquement et géographiquement. Loin des grands-parents, des parents, des cousins, des frères et sœurs, plusieurs risquent de perdre leur histoire pour ne vivre que le quotidien souvent inspiré d’espoirs individuels. Transmettre aux siens le sens de son histoire leur procurera plus de liberté quant à la réalisation de la leur.
Au fait, quelle est notre histoire ? Qui en sont les acteurs ? Dans quel décor évoluaient-ils ? Comment était le monde avant notre arrivée ?
La mise en contexte de notre conception et de notre naissance mettra en évidence la situation, les pressions, les conditionnements sociaux, économiques et politiques qui s’exerçaient sur nos parents à cette époque. Une investigation du côté de nos parents et de nos grands-parents apportera de l’éclairage.
Un regard sur notre arbre généalogique nous fera rencontrer les générations qui ont traversé l’histoire pour nous amener au pays que nous habitons. L’arbre généalogique constitue en quelque sorte la ligne de vie de la famille, le scénario du film dans lequel nous allons bientôt faire notre première apparition.
Les personnes qui nous ont précédées témoigneront d’une mosaïque d’expériences, de traditions, de récits ; elles démontreront leur enracinement dans un sol particulier qui nous insère dans le peuple qui est nôtre.
À lire
"On ne sait pas ce que le passé nous réserve." André Gervais, Éditions de l’homme, 2017
08- L’héritage de vos ancêtres
Nous tenons de nos ancêtres tellement de choses qui nous
habitent inconsciemment.
Depuis le début de notre existence, d’innombrables couches d’émotions se sont accumulées successivement en nous et sont disparues de notre mémoire, cachées sous d’autres sensations désagréables ou d’autres joies intenses. Un bagage émotif important dort dans notre inconscient.
Ce bagage d’expériences serait conservé dans le génome et transmis d’une génération à l’autre.
Il y a donc une partie de nous-même qui nous est en quelque sorte antérieure, une partie enfouie dans nos gènes, une partie héritée de nos lointains ancêtres, une partie qui nous influence à notre insu.
De plus la recherche a démontré que pendant la grossesse, toutes les émotions de la mère sont également ressenties par le fœtus. Ce que vit la mère serait gravé dans l’inconscient de l’enfant. On comprend qu’il sera parfois difficile d’identifier nos émotions, nos anxiétés, etc.
Plusieurs des actions que nous avons posées au cours de notre vie étaient probablement conditionnées par des expériences anciennes qui n’avaient déjà plus de rapport avec ce que nous vivions alors.
Nous avons également été façonnés, depuis la petite enfance jusqu’à maintenant, par nos expériences de vie, les milieux dans lesquels nous avons évolué, les personnes que nous avons côtoyées, les états d’âmes que nous avons connus, etc.
C’est dire qu’un réseau complexe nous relie au monde extérieur. Ainsi, la démarche autobiographique pourra nous amenés à prendre conscience que certains de nos comportements étaient reliés à des lieux, des événements anciens, à des personnes qui ont vécu avant nous.
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017
07- L’organisation
La qualité de votre écriture est peu importante à ce stade. L’essentiel est d’écrire et d’être
présent dans votre écriture. D’abord, ne vous préoccupez pas pour l’instant de l’écriture
elle-même, du style, de l’orthographe. Il y a un temps pour chaque chose.
Au début, concernant les premiers thèmes à étudier, ceux qui abordent des événements qui nous sont anté-rieurs, vaut mieux faire feu de tout bois. On validera plus tard.
Au commencement, votre travail autobiographique consistera à amasser de nombreuses informations. On se fera donc un devoir de noter immédiatement tout ce que l’on découvre, tout ce qui nous vient à l’esprit, ce que votre créativité vous propose de pistes d’interprétation. Vous accumulerez des notes, vous écrirez quelques textes.
Rapidement vous aurez la tête pleine d’idées. À moins d’établir un cadre et une méthode rigoureuse de travail, vous risquez rapidement d’être dépassé par les événements, envahi par les idées, enseveli sous les nombreux renseignements que vous aurez colligés.
Si ce n’est déjà fait, ce sera le moment de vous organiser, de vous fixer des objectifs réalistes et stimulants.
L’exercice demande de la discipline. Vous n’arriverez à un résultat satisfaisant qu’en mettant du temps et de l’énergie à votre projet. Fixez-vous un horaire de recherche et d’écriture, et tenez-y. L’important est de vous fixer une fréquence : une, deux ou trois fois par semaine, peu importe, pourvu que vous vous y tenez. Il est important de prendre un rendez-vous régulier avec vous, avec votre travail.
Si vous prenez l’habitude de respecter un horaire qui vous convient, vous écrirez avec de plus en plus de facilité. La formule est personnelle. Il n’y a pas de règle, seulement un principe sacré : travailler avec régularité, respecter un rythme qui vous convient, et ne pas lâcher. Vous vous engagez d’abord envers vous-même.
Vous donnerez un caractère officiel et sérieux à votre activité en lui octroyant un espace approprié. Choisissez un coin de la maison où vous pourrez vous isoler pour réfléchir, un lieu confortable et propice à l’écriture. Créez une belle ambiance. Assurez-vous d’un éclairage adéquat. Vous pouvez travailler avec du bruit ou de la musique, toutefois coupez les sources d’interruption que sont la tablette tactile et le téléphone.
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017
06- Le sens de votre parcours
On le voit, par la profondeur et la complexité de son sujet, la démarche autobio-
graphique dépasse la simple dimension narrative et nous entraine dans un
processus d’analyse.
L’exercice vous invite à l’identification des diverses causes qui vous ont mené là où vous êtes, à l’exploration de votre fonctionnement intime et à l’identification des répétitions, des automatismes, des contradictions, des ruptures qui ont pu marquer votre parcours.
Vous le constaterez, le travail d’écriture autobiographique s’organise comme une enquête policière. On avance à tâtons, on récolte des indices, on identifie des éléments de preuve, on suit des pistes, analyse des faits, recherche des causes, interroge des témoins, valide des informations, reconstitue des événements. La tâche est considérable, le défi énorme.
La démarche s’appuiera donc aussi sur un cadre de références chronologiques concernant les étapes de la croissance, de la naissance jusqu’à l’âge de la retraite. Ces références s’inspirent de notions généalogiques, socio-logiques voire analytiques.
Ce cadre vous permettra de rester vigilant et de scruter méthodiquement les apparences pour tenter d’y recon-naître ce qu’elles dérobent ou ne dérobent pas à votre connaissance, à votre conscience.
La recherche autobiographique vous confronte à votre identité. C’est de vous qu’il est question et c’est bien « Je » qui s’exprime. Écrire sur soi, se raconter, se dire, exige un travail d’introspection, de forage, d’extraction de sentiments, d’articulation de sa pensée.
La démarche produit un retour d’émotions qu’il faut gérer. Ça brasse; il y a parfois de l’agitation, de l’action en soi.
Des aspects de votre individualité vous apparaîtront là où vous ne les attendez pas. Des besoins ou des désirs insatisfaits vous entraîneront dans des directions inattendues.
Votre « être » se projettera dans votre écriture. Vous allez découvrir les autres personnes qui vivent en vous : celle qui a peur du temps qui passe et qui souhaite le retenir, voire le prolonger dans le geste d’écrire; celle qui voudrait être mieux comprise en y allant une autre fois de ses arguments; celle qui cherche à dégager le sens de sa vie; celle déterminée à faire connaître ses réalisations et la fierté qu’elle en ressent; et combien d’autres!
Parlant de votre enfant, de votre conjoint ou d’une autre personne, peut-être allez-vous subrepticement vous immiscer dans sa biographie en décrivant par le détail ses actions et ses sentiments au lieu de parler de vous, comme si votre identité se confondait avec cette autre personne et que les réalisations ou les souffrances de cette dernière étaient les vôtres ou dépendaient de vous.
La relecture de votre manuscrit lors de sa révision, pourra vous faire remarquer cette digression, voir cette projection. Peut-être pourriez-vous-même prendre conscience que vous vivez par procuration la vie de quel-qu’un d’autre, auquel cas cette découverte pourra vous inciter à revenir à vous, à votre présent, à votre présence, à votre vie et à votre avenir.
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017
05- Question de contexte
La recherche autobiographique s’effectue d’abord à partir d’éléments anciens, cachés, inusités
par rapport à votre situation et à vos réalisations présentes. Au-delà de ce que vous croyez
savoir, la démarche vous entraînera vers des découvertes.
Le spectacle de votre vie passée et la compréhension de votre vie actuelle prendront tout leur sens non seule-ment dans la comparaison des faits de votre passé pour y relever les constantes et les ruptures, mais également dans l’examen des contextes dans lesquels se sont déroulées vos relations avec les êtres, les lieux et les objets qui ont meublé votre existence.
Deux outils vous permettront de contextualiser et de baliser votre histoire : la ligne de temps et la ligne de vie. La ligne de temps se dresse à partir des principaux événements survenus dans la durée, depuis l’époque de vos ancêtres, grands-parents et parents, jusqu’à l’époque actuelle. En énumérant ces évènements dans leur con-tinuité, vous décrivez le décor de cette pièce dans laquelle jouaient vos grands-parents et vos parents, vous revoyez l’enchaînement des événements sociopolitiques et culturels qui ont colorié leur époque et celle qui vous a vus naître.
Des liens s’imposeront entre certains faits de cette trame circonstancielle. Des coïncidences apparaîtront peut-être entre des faits particuliers concernant par exemple des circonstances de naissance, de milieux de vie, de maladies, d’emplois, etc. Certains faits pourront inspirer des paragraphes, voire des chapitres décrivant des mo-ments forts de l’histoire récente et expliquant leur influence sur votre destinée.
La ligne de vie, de son côté, servira de charpente à votre témoignage.
Il s’agira d’établir la liste des événements importants de votre vie personnelle , à partir de votre naissance jusqu'à aujourd’hui : naissance, petite enfance, déménagement, arrivée d’un frère ou d’une sœur, entrée à l’école, pre-mière communion, amitié précieuse, première fréquentation, diplôme de formation professionnelle, mariage, arrivée des enfants, emplois intéressants, achat d’une première maison, accident déplorable, voyage important, événements majeurs dont vous auriez été témoin, etc. Cette liste d’événements servira de plan pour la présen-tation de votre récit. Elle déterminera les chapitres de votre ouvrage, au fur et à mesure que vous les aborderez.
Ligne de temps et ligne de vie révèlent tout leur potentiel lorsqu’elles se trouvent réunies en parallèle exposant le contexte dans lequel sont survenus les événements marquants de notre existence. Ce rapport, du temps des autres et du temps à soi, peut soulever des questions, inspirer des hypothèses, ouvrir des pistes de compréhen-sion.
Ces données seront précieuses au moment de l’analyse de votre parcours, car tout se tient et rien ne doit être négligé. Voilà bien l’essentiel du travail d’interprétation auquel vous serez convié au terme de la démarche de documentation et de réflexion qui débute.
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017
04- En deux temps et quelques mouvements
La démarche autobiographique comporte deux temps bien différenciés.
D’abord, rassembler, sans les censurer, l’ensemble des informations vous concernant. Cette recherche tiendra compte des deux aspects complémentaires de votre cheminement : votre ligne de vie et votre ligne de temps, deux dimensions qui s’inscrivent dans la chronologie, qui servent de balises à votre réflexion et qui sont développées plus loin.
Ensuite, deuxième étape, soumettre ce matériel à l’interprétation. Vous chercherez alors à comprendre les moti-vations de vos actions passées, à identifier les influences que vous avez subies et qui vous ont fait ce que vous êtes, vous connaître davantage, surtout accéder à l’authenticité de votre être. Cette étape vous entraînera du côté de l’autoanalyse.
L’autobiographie permet ce double mouvement qui consiste à porter à la fois un regard sur les événements de son passé et sur les effets de ces derniers sur sa vie intérieure, son orientation, son parcours. Chacune des périodes de votre vie sera soumise à ce double exercice que nous allons décrire dans cette série d’articles.
Écrire votre autobiographie vous engage dans une activité encadrée par des règles, celles de l’écriture qui peuvent déjà poser quelques difficultés, mais aussi celles plus subtiles de l’introspection et de la rétrospection. Libre à vous par la suite de divulguer ce qui vous paraîtra utile. Votre position d’observateur vous protège. Elle vous permet d’examiner au ralenti le film complexe de votre passé.
Alors, dévoilez-le, dévoilez-vous. C’est bien le premier objectif de l’autobiographie : s’exprimer, et en même temps se connaître, se reconnaître. D’autres motifs viendront se préciser et vous guideront dans le choix des données à conserver, à divulguer, à publier.
(2018-01-15)
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017

03- Écrire pour quoi? Écrire pour qui?
Une raison vous pousse à écrire votre autobiographie.
Voulez-vous transmettre un héritage ?
Vous libérer d’un secret ?
Régler un différend ?
Dénoncer une injustice dont vous avez été l’objet ?
Donner votre version personnelle d’un événement ?
Vous donner en exemple ?
Laisser une trace, un souvenir ?
Visez-vous un effet précis ?
Recherchez vous à régler des comptes avec votre histoire, avec certaines personnes qui ont partagé votre histoire ?
Argumenter, démontrer, dénoncer ?
Souhaitez-vous simplement qu’il reste quelques souvenirs de votre vie, une fois celle-ci accomplie ?
La motivation aide à se rappeler, à stimuler sa mémoire et à reconstruire les pans de son histoire et de son identité. Elle encadre notre démarche et fait en sorte que l’on se revoit agir et ressentir. La personne évoque plus facilement son passé quand elle en fait un témoignage, quand elle se pose en témoin de ce qui est survenu pour en faire la des-cription. Dans ces conditions, elle découvre et évoque plus facilement le sens de ce qu’elle a vécu.
À vouloir plutôt argumenter, justifier ou régler des comptes, vous risquez de vous enfermer dans une logique étroite, dans un cadre restreint, dans une direction prédéterminée où vos émotions seront davantage exacerbées que libérées. L’affrontement dans lequel vous vous engageriez exprimerait des états d’insatisfaction et de frustra-tion refoulés, des sentiments d’incompréhension ou d’injustice bien plus que votre véritable identité.
Heureusement, par toutes les questions qu’elle pose, la démarche autobiographique vous aidera à prendre con-science de vos motivations et éventuellement à donner à votre histoire une orientation et une prose appropriées. Le lecteur est au centre du processus d’écriture.
Raconter votre histoire c’est entrer dans le jeu du partage, de l’échange, de la communication avec un éventuel lecteur, mais d’abord avec vous-mêmes. La finalité de la démarche ne sera pas tellement d’étaler vos réalisations et vos expériences mais surtout de vous comprendre, vous découvrir, vous connaître.
Il est clair qu’on écrit d’abord pour soi, car on le remarquera, c’est d’abord à soi que ça fait grand bien.
Alors il faut tout dire, tout se dire, tout écrire. Vous verrez plus tard comment disposer de tout ce contenu. La censure viendra ensuite.
Réfléchir sur l’histoire de votre vie depuis l’enfance et même avant, examiner les événements qui vous ont mar-qués, identifier vos élans, vos buts et ce que vous en avez fait, sonder les émotions que vous avez ressenties, revoir les circonstances de vos principales décisions, définir qui vous êtes maintenant, interroger les voies qui s’offrent à vous pour l’avenir, autant de sources d’éclairage de votre parcours.
(2017-12-10)
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017

02-De l’importance de l’écriture sur soi.
Je reprends à mon compte des idées énoncées et développées par Boris Cyrulnik dans son livre « Le murmure des fantômes », publié chez Odile Jacob en 2003.
J’associe ces idées à la démonstration que voulait faire mon ouvrage « On ne sait pas ce que le passé nous réser-ve », publié aux Éditions de l’Homme en 2016 : démonstration de la pertinence d’écrire sa vie pour la compren-dre.
Ainsi, comme le dit Cyrulnik, la narration de son parcours de vie constitue un moyen efficace et économique pour faire soi-même l’image de sa personnalité. Chacun possède la compétence pour faire un récit de sa vie, que ce récit soit dit dans un entretien d’aide ou écrit dans une démarche autobiographique.
S’y adonner procure non seulement une satisfaction mais la joie de se rappeler des souvenirs heureux ou amu-sants comme ceux qu’on évoque parfois en groupe dans des rencontres familiales ou amicales. Qui plus est, écrire sa vie en groupe, dans le cadre d’un atelier d’écriture, noue des amitiés et développe de l’affection entre les person-nes qui partagent des souvenirs communs.
Mais, écrire, raconter, partager des événements douloureux de sa vie, se remémorer des images tristes de son passé, ressentir des émotions conflictuelles d’autrefois, provoque des sentiments plus troubles et plus ambigus. Ambi-gus parce qu’on en ressent en même temps chagrin et libération.
L’acte d’écrire permet de s’approprier les émotions anciennes et, ajoute Cyrulnik, « de les remanier pour en faire une représentation de soi intimement acceptable. »[1]
Quand le passé a été mal vécu, difficile, insécurisant, l’écriture intime, par l’élaboration de certains liens entre les acteurs de son histoire et la compréhension contextuelles de certains événements, peut construire dans le psychisme de son auteur « l’attachement précoce » qui lui a manqué.
L’écoute des autres, l’attention flottante, l’association d’idées, autant de moyens permettant de faire remonter à la conscience des souvenirs enfouis, refoulés, perdus. Le fait le plus banal peut contenir en filigrane un immense événement intime. Ce ne sont pas les faits mais la façon dont nous les interprétons qui leur donne toute leur importance.
Le regard des autres à notre endroit et l’importance qu’ils accordent eux-mêmes à ce qui nous arrive, ces éléments influencent nos perceptions, nos sentiments, notre propre jugement, l’image que nous nous faisons de nous-mêmes.
L’écriture permet un regard distant et lucide. Les émotions sont tenues à distance. Les faits sont considérés sous un nouvel éclairage. La personne peut entrevoir des liens entre des lieux, des personnes, des événements de son enfance et de son adolescence, ces étapes où l’être est particulièrement vulnérable aux pressions, aux influences, aux désirs des adultes qu’il côtoie.
Cyrulnik déclare « L’écriture offre très tôt ce procédé de résilience. Mettre hors de soi pour la rendre visible, ob-jectable et malléable, une souffrance imprégnée au fond de soi». [2]
Le passé que l’on écrit s’adresse à un lecteur virtuel, à une autre personne, à une autre partie de soi, à son « moi inconnu » éventuellement. La distance qui s’établit entre soi et son vécu nous amène à un autre niveau de conscience et nous procure une force nouvelle pour affronter le réel et s’affirmer face aux autres.
Et Cyrulnik de conclure en écrivant : « L’autobiographie ou le récit de soi n’est pas le retour du réel passé, c’est la représentation de ce réel passé qui nous permet de nous réidentifier et de chercher la place sociale qui nous con-vient ». [3]
Bibliographie
Cyrulnik, Boris. Le murmure des Fantômes, Odile Jacob poches, # 163, 2003
Gervais, André. On ne sait pas ce que le passé nous réserve, Éditions de l'Homme, 2016
[1] Boris Cyrulnik, Le murmure des fantômes, Odile Jacob poches # 163, 2003, page 103
[2] Idem, page 117
[3] Idem. Page 121

01-Lire entre les lignes
Le genre autobiographique auquel nous référons répond à la définition élaborée par Philippe Lejeune[1] con-cernant « un récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité ».
Philippe Lejeune parle d’un pacte implicite voulant que l’auteur entreprenne de raconter sa vie, rien que sa vie, telle qu’il l’a vécue, sans fiction, sans travail d’imagination. Ce contrat liant l’auteur et le lecteur concerne l’authenticité des faits racontés et des émotions exprimées. Ce contrat se réalise au moment de la lecture, lorsque la confiance du lecteur s’installe.
Quels qu’en soient vos motifs, revoir des manifestations de votre expérience humaine pourra donc, au gré de votre sensibilité, vous entraîner à établir des liens, des rapports, des incidences entre vos états d’âme et vos com-portements.
Selon le degré d’intimité que vous donnerez à votre témoignage, ce dernier constituera un véritable bilan de vie. Ainsi que le disent les experts en la matière, faire le récit de sa vie, ce n’est pas uniquement présenter une suite d’événements, c’est organiser ses souvenirs, mettre de l’ordre dans ses représentations, prendre de la distan-ce par rapport à son vécu, en comprendre le déroulement.
Il ne s’agit pas de dévoiler votre jardin secret. Celui-ci est constitué de faits, d’idées et de souvenirs que vous con-naissez bien et que vous avez consciemment décidé de conserver secrets. Il s’agit plutôt de faire émerger de votre mémoire des informations cryptées, gardées inconscientes pour vous épargner un encombrement émotif ou simplement factuel. Gardez-vous d’avoir peur. Gardez-vous de nier les découvertes marquantes que vous révèle votre passé.
En temps voulu, vous déciderez de publier ce qui convient. L’important sera davantage dans l’image plus préci-se que vous aurez de vous que dans celle que vous pourriez transmettre pour flatter votre égo.
À lire
On ne sait pas ce que le passé nous réserve. André Gervais, Éditions de l’homme, 2017
[1] Philippe Lejeune est un universitaire français spécialiste de l'autobiographie, auteur de nombreux ouvrages portant essentiellement sur l'autobiographie et les journaux personnels.
