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Textes concours 2024
Trois thèmes cette année
Mon clown intérieur
Si la vie m'offrait un cadeau
Une journée vraiment spéciale
Mon Clown intérieur
Un matin de printemps se lève sur la terre… Une sensation d’appel de mon âme résonne au plus fort. Difficile à exprimer, les mots me manquent… Une sensation de vide s’empare de moi puis soudainement, un éclat de joie de vivre indicible parcourt mon corps et mon cœur, me faisant frissonner tout en accrochant un sourire à mon visage et mes cellules.
C’est comme si les chagrins d’hier ne ressemblent, maintenant, plus à rien ! Et me voilà dans une rencontre intime avec mon sage intérieur. Un sage aussi sage qu’une image ? Non, pas forcément, ce personnage se révèle être un véritable amuseur à ses heures ! Laissez-moi vous le présenter…
De chaque épreuve qui le fait tomber, il se relève, époussetant la poussière du sol sur son pantalon bien trop grand et repart, les mains dans les poches trouées de son manteau extravagant. Ses immenses chaussures le font souvent chuter s’il marche un peu trop vite mais il refuse à une vie trop à l’étroit…
Il peut faire rire de lui, oui, peut-être ! Qu’importe, il avance, avec une attitude curieuse et enjouée, dans la vie. Et même si celle-ci continue à le faire s’écrouler encore et encore, il ne cesse de se relever et continue à marcher, le sourire jusqu’aux oreilles. Il regarde l’existence avec ses grands yeux écarquillés ressemblant à des dômes blancs comme un bout de chance à saisir car le temps est bien trop précieux pour se morfondre.
Son nez tout rouge comme celui du renne du père noël lui donne un air débonnaire. Ridicule ! Non jamais… Ce mini ballon écarlate en plein milieu du visage est comme un « sésame ouvre-toi, révèle-toi dans ta naïveté, ta drôlerie » et voilà que tout porte à la légèreté, à la liberté d’être tout simplement.
Vous devez avoir reconnu mon personnage avec ma description… Mon sage est nul autre que mon clown intérieur ! Il suffit de le regarder pour qu’un éclat de joie jaillisse.
Cet ami fidèle, même si parfois timide, me tend un miroir pour me révéler toutes ces parties cachées de moi : ma sensibilité, ma gaucherie, ma candeur, ma vulnérabilité avec une touche de légèreté, de détente qui m’amènent à en sourire. Tout en douceur et en délicatesse, mon philosophe humoriste me permet d’abandonner le sérieux, parfois le drame de la vie, pour retrouver la joie du cœur d’enfant et revenir à mon essentiel. Il fait fi de tout orgueil de l’ego avec l’humilité du rire de soi car jamais, il ne se prend au sérieux. Il transcende la douleur, le sérieux, le difficile de la vie.
Il a sous son chapeau de couleurs, tout plein d’histoires intemporelles, des histoires de cœur, des histoires à croire pour croître, des histoires à pleurer de joie !
Quand les émotions sont trop fortes ou que l’environnement m’échappe, ce personnage ne rit pas forcément, ni ne cherche à me faire rire. Sa sensibilité développée et très affinée m’apporte une certitude du sens de chaque évènement si dur soit-il. Je comprends alors que la vie m’offre de nouvelles occasions de grandir en maturité, tout en demeurant dans l’ouverture et l’accueil de ce qui se présente.
Telle une lumière qui surgit de l’ombre, il éclaire mon paysage intérieur mélancolique pour le rendre enthousiaste. Ce rayonnement s’élargit, prend de l’expansion pour devenir allumeur des lumières voilées dans les cœurs qui m’entourent. Cette clarté vive, éblouissante scintille de mille éclats de rires d’enfance car l’allégresse est tout de même la nature, l’essence du clown. Ce personnage me fait voyager sur le tapis magique qui m’emporte dans le ciel de l’Émerveillement. Puis un soir, il me révèle son nom « Euréka Quirira » !
Avec ce personnage transcendantal, émerge une nouvelle force vive intérieure décuplée ! Un ravissement simple et authentique part de loin, fait briller mes yeux, pétiller mon cœur, me réchauffe l’âme pour être porté par le reflet de chaque règne de la création sur la terre et dans l’Univers.
Depuis, mon esprit sourit, vit, s’envole, caracole, cabriole vers un ailleurs. Je ne cherche pas un monde plus beau, plus heureux… Avec mon ami, je souris, je ris et je crée la joie dans ma réalité, un rire à la fois ! Je saupoudre de fraicheur tout ce que j’entreprends et tout ce que je vois !
Alors que j’allais vous quitter sur ces belles paroles de lumière, soudainement, mon clown me lâche la main, fait un dernier tour de piste et se met à claironner…
—Oyé Oyé, public bien aimé ! Une poussière d’étoile magique a déposé dans votre poche, dans votre sacoche, une clé d’or, pareille à la mienne. Celle-ci ouvre la bouche au sourire, déverrouille le cœur pour l’inonder de joie et permet, si vous le voulez, de contacter votre propre clown caché, enfoui en vous. Quand vous serez prêt, tournez cette clé sans plus tarder pour voir la magie opérer ! Sans plus attendre… vous rirez à gorge déployée, vous rirez de tout comme de rien, vous rirez de bon cœur, vous rirez aux éclats, vous rirez aux larmes, vous rirez à ventre déboutonné, vous rirez grand, vous rirez durant le temps de vie si précieux qui vous est donné ici-bas ! La joie n’existe que pour être vivante et demeure le meilleur « médicamour » pour soi et l’humanité tout entière…
« Euréka, qui rira, vivra ! » Souvenez-vous plus de cela que de moi !
Texte de Béatrice Paul, juillet 2024
Si la vie m’offrait un cadeau
Une longue réflexion émerge en moi afin de répondre honnêtement à ce que la vie pourrait m’offrir en cadeau. Si la vie pouvait m’offrir un cadeau avec une baguette magique, je désirerais que les gens dont j’ai aimé le plus au monde reviennent dans ma vie, mais ceci serait allé contre la vie elle-même.
Si je suis plus réaliste, je répondrais ceci : apprendre à aimer sans se perdre.
J’ai tellement aimé, je voulais le meilleur pour elle. Toute ma vie se brodait tout doucement pour lui léguer une force pour vaincre les défaites de la vie avec doigté qui feront tôt ou tard son apparition. Aussi, lui faire voir son potentiel et accroitre la persévérance en tout. L’amour, elle en connaissait déjà les traces que ça laisse par trop aimer. Je lui ai tout donné, du mieux de mes capacités. Je me suis oubliée, mais je l’aimais tant. C’est comme si ma vie lui était dédiée pour l’outiller à faire face à ce grand carrousel de la vie.
Vous avez compris ce que la vie pourrait me donner. Comment aimer tous ces gens sans s’oublier, sans trop de compromis de l’amour de soi. Fuir la douleur de trop aimer. J’ai sûrement mal compris le second commandement de Dieu : tu aimeras ton prochain comme toi-même et non avant soi-même. On peut s’émerveiller avec tant de beauté dans ce monde incertain et incompris par plusieurs d’entre nous, comme moi. Mais ce monde a de multiples palettes de couleurs, il suffit de les voir et non de les regarder sans voir. Si seulement j’avais compris, je n’aurais pas erré dans ce labyrinthe à la recherche de l’amour qui était si près pourtant, là, dans mon cœur. Cet amour n’était pas dirigé vers moi, mais bien toujours vers l’autre. Arrêter de chercher l’amour de l’extérieur, mais bien de l’intérieur. Ce serait si facile et plus doux pour mon âme et m’aidera à me sentir plus en sécurité dans mon monde.
Hé ! la vie, peux-tu me bousculer un peu ? Pas trop brusquement quand même, mais assez pour me réveiller comme il faut. Voir le beau en moi, car il y en a de belles nuances de couleurs pastel et brillantes aussi, j’en suis certaine.
Et si… si maintenant, cet amour m’a rejoint enfin. Faut-il que je sache le recevoir ce cadeau de la vie tant attendu.
Je pourrais aimer la vie de manière plus dynamique. Je verrais le ciel d’un bleu lumineux et clair, parsemé d’une couleur vibrante bleu roi associé à l’élégance. Je capterais ainsi plus de lumière dans ma vie. Ce cadeau me rendrait plus lucide. Premièrement, je comprendrais que la mort fait partie de la vie, car je verrais le beau dans tout, et c’est une étape sûrement grandiose dans la vie. Ce cadeau me ferait jouir des beautés existantes et invisibles aussi. La vie serait plus douce. Il existerait plus d’émerveillement autour de moi parce que je verrais l’amour dans tout, ainsi, je m’aimerais désormais.
J’aurais plus confiance en moi pour aller là où je veux, et ce, avec confiance. Accomplir de merveilleuses actions avec plus de vigueur et moins de pas incertains. Si la vie m’offrait ce cadeau de m’aimer aussi, j’escaladerais cette chaîne de montagnes pour aller plus loin vers le bonheur, retrouver cet oxygène trop longtemps retenu en suspension, hors de mes poumons. Si la vie m’offrait ce cadeau, l’assurance acquise par l’amour de soi surmonterait mes actions du haut de ces montagnes.
Je réalise que ce cadeau, dans le fond, est présent dans ma vie. C’est l’aveuglement obscurci involontaire et sournois qui, par manque d’amour de soi, m’empêche de m’élever avec honneur au-delà de ses terrains massifs sur notre route de la vie.
Il n’en tient qu’à moi de danser avec les couleurs du spectre de l’arc-en-ciel.
Merci JMV de m’amener à découvrir ce cadeau de la vie.
Texte de Sylvie Martineau, août 2024
Une journée vraiment spéciale
Silencio
Sous un soleil de plomb, loin de la ville, l’autobus suivait son trajet à travers les montagnes fières et majestueuses des Andes péruviennes là où les ravins s’accrochent trop souvent aux rebords de la route étroite. Chaque tournant de ce chemin en lacets nous offrait la promesse d’un paysage grandiose malgré les courbes dangereuses qui se succédaient sans fin. Tout était paix et harmonie dans ce panorama fait sur mesure.
Il n’aura fallu qu’une seule fraction de seconde pour que tout bascule dans le vent de l’épouvante. Il était 14 heures quand le temps s’est arrêté dans ce site enchanteur. Toutes les secondes folles du moment présent se sont figées lorsque le silence s’est brisé dans l’air. Les montagnes en écho ont appelé au drame et malgré la chaleur accablante, c’était comme si la mort à nous glacer le sang venait de passer.
Deux enfants sur la route criaient à s’en fendre l’âme, hurlant sans cesse comme des damnés. Leurs cris portés par une douleur vive allaient dans toutes les directions, engendrant une vague de panique autour d’eux. Complètement affolés, les enfants terrorisés par la catastrophe piétinaient sur place comme dans une transe guidée par l’horreur sous leurs yeux. Dans un geste de désespoir, ils prirent finalement le corps de leur frère cadet tombé au beau milieu de la route pour aller le coucher en bordure du chemin.
Un des enfants alla chercher une femme ; leur mère. Celle-ci arriva sur les lieux déjà en proie à la folie devant la tragédie. L’inconcevable la cloua sur place. Je la voyais déchirée par le froid que j’imaginais couler dans ses veines jusqu’au plus profond de ses entrailles. Elle ne semblait plus être sur terre dans ce paysage soudainement transformé en fin du monde.
Sous le choc, aveuglée par la douleur, elle n’écoutait que l’effroi dans son être. Délirante, elle criait vouloir mourir, pressant contre elle le corps inanimé de son jeune enfant. Impuissante, elle le regardait, l’embrassait et le secouait en lui ordonnant de vivre. Elle criait et hurlait avec ses deux autres enfants et répétait ses gestes brusques guidés par le déni, le désespoir et l’espérance dans des supplications sans fin.
La fatalité lui peignait un horrible calvaire face à la souveraineté de la mort qui de toute évidence ne pouvait que lui imposer la réalité et non lui rendre son fils, ce petit ange n’ayant fait que ce qu’il fallait, en accord avec son destin. Sans vouloir être un héros, il était là, volontaire dans le tournant, pour protéger son animal, l’unique vache qui faisait vivre sa famille.
Une courbe fatale dans cette beauté rurale. Les montagnes dans cette zone du Pérou seront à jamais porteuses de l’écho de ce terrible événement.
Le chauffeur de l’autobus a fait crier les freins, croyant être capable d’éviter l’inévitable, mais il était trop tard.
J’étais assise juste derrière lui et par instinct de survie, j’ai mis les pieds dans la vitre qui nous séparait pour me protéger de l’impact de freinage aussi fort que subit.
J’entendrai toujours dans ma tête le crissement des roues sur le chemin terreux, tout comme le bruit de ce petit corps se faisant happer par l’autobus pour aller rouler sous le véhicule. Je me souviens aussi de l’affolement du chauffeur en état de choc.
L’impuissance est proche parent de l’irréparable.
Tout le monde est sorti de l’autobus en silence et nous sommes restés là, bouleversés et pensifs dans un silence de mort attendant au pied de la montagne endeuillée sous un soleil de plomb un autre autobus qui nous conduirait dans la ville où a été exécuté Atahualpa, le dernier empereur de l’Empire Inca.
L’ambulance quitta les lieux avec la mère et son enfant et la vache sacrée devenue porteuse de fatalité fut reconduite dans son enclos. Nous sommes arrivés enfin à Cajamarca tard le soir après avoir percé les brumes dormantes, les nuages de pluie et les épais brouillards qui talonnent la route qui grimpe dans la montagne.
Cette nuit-là j’ai pleuré comme une mère qui perd son enfant. Cette journée est gravée en moi à tout jamais et me rappelle que la seule vérité est l’impermanence du temps et que n’est durable et stable que la nature immortelle de l’esprit.
Texte de Ghislaine Couture, septembre 2024
Le clown en moi.
Le clown en moi a plusieurs aspects et multiples talents, il passe de sérieux à joyeux tout comme d’artiste à espiègle, rempli d’amour pour la vie, son visage souriant est vite remplacé par une figure triste devant la souffrance et la misère. Il a beaucoup d’emprise sur moi.
Dès que les premières clartés du jour se pointent à l’horizon, je suis convaincu que le clown en moi est déjà réveillé et planifie ses actions pour me faire raconter des histoires, poser des devinettes, faire des bouffonneries incluant les tours que j’aurai à jouer, pour lui plaire.
Je me souviens qu’étant plus jeune, il m’inspirait à faire toutes sortes de pirouettes et de culbutes, tel un vrai saltimbanque, afin de plaire à mes parents, mes amis et amies. Dans le cas de ces dernières j’aspirais surtout à attirer leur attention et leur admiration, à la conquête d’une d’elles, malheureusement les répondantes n’étaient pas toujours celles que je voulais impressionner.
En vieillissant, je me suis souvent posé la question : « est-ce réellement possible qu’un être semblable vienne me hanter et me pousser à faire de telles pitreries. »
La réponse est sûrement « OUI » puisque même octogénaire, je ne peux m’empêcher de trouver quelques histoires drôles et des petites niaiseries afin de faire rire ceux et celles qui m’entourent, tout comme la marionnette Guignol, qui faisait rire les Lyonnais.
Le clown Auguste m’a déjà inspiré à porter un drôle de costume. Il sait que je ne porterai pas ce pyjama à pantalon bouffant garni des frisons autour du cou, des poignets et des chevilles ; ni ces longs souliers ridicules, avec un bout gonflé se ballottant à chaque pas ; ni ce ridicule chapeau en cornet renversé garni d’un pompon rouge ; encore moins ce nez rond rouge vermillon.
Malgré tout, un jour j’ai été choisi pour assister le père Noël, je devais donc me costumer en « fée des glaces » pour une soirée de Noël de mon club de service. Coiffé d’une couronne placée sur une perruque à longs boudins blonds, je portais une longue robe rose et tenais à la main une baguette magique. Vêtu d’un tel accoutrement ridicule, je faisais des mimiques drôles et des pitreries.
Les membres ont bien ri, mais j’ai décroché le titre bien mérité de « FÉE DÉGUEULASSE. »
Le clown musicien m’a souvent fait chanter du folklore avec quelques chansons à répondre, ou à boire. J’y ai pris plaisir, car quelques-unes d’elles étaient plus ou moins grivoises. Parfois, j’ai même dû faire des bouffonneries en chantant. Un jour, les pantalons retroussés aux genoux, ma blouse devant derrière, les cheveux en broussaille et le visage rempli de mimiques je chantais
« m’en revenant de Rigaud. »
C’est grâce à lui que j’ai chanté dans des chorales ou j’ai appris, la fameuse chanson
« LA TOURTIÈRE » de Lionel Daunais, que j’ai interprété à différentes occasions au Québec et en Ontario.
Même le clown comédien en moi m’a inspiré de me joindre à un ami pour présenter de courtes comédies sur divers sujets, tel le hockey ou des malades chez un docteur.
Le clown raconteur en moi, ne m’a jamais demandé de faire des conneries, ni raconter des histoires sales, blessantes ou humiliantes… il était certain que je refuserais. Par contre sachant que j’ai beaucoup d’imagination, il m’a souvent soufflé l’idée de raconter des faits plus ou moins réels, et comme le Capitaine Bonhomme ceux-ci s’étiraient et devenaient de plus en plus imaginaires.
Inspiré de mon clown intérieur, j’accepte toujours de jouer avec les mots ou de déformer drôlement des phrases tout comme « Sol » le faisait, mais si j’ai de la riposte, le tout devient vite une bataille comique du style « Sol et Gobelet ».
J’aime aussi faire rire les enfants tout comme « Bozo » le clown américain. Je leur raconte des histoires à dormir debout, parfois plus ou moins cocasses. Que de fois dans des soirées familiales ou entre amis il m’a fait danser pour faire rire et raconter drôlement des anecdotes de mon passé.
J’aime bien mon clown intérieur, il a rendu ma vie joyeuse avec beaucoup de gens heureux autour de moi. Il m’a permis de savourer de grandes joies et d’endurer de grandes peines, ensemble nous jouissons de bons amis et amies. Je suis triste à la pensée que certains n’ont pas la chance d’avoir un clown en eux pour les stimuler à vivre heureux tout en aidant leur entourage à oublier leur tracas, ne serait-ce que pour un instant de bonheur.
Texte de Jean-Maurice Gaudreau, Ontario-Outaouais, octobre 2024
Main dans la main avec Slava
J’ai six ans, il fait nuit et j’ai peur. Aujourd’hui, j’ai découvert la méchanceté des hommes. Bien cachée sous mes couvertures, je fredonne cet air que ma mère chantonne quand je suis triste. Tout à coup, une voix résonne dans mon cœur, cette voix me fait rire, me fait oublier ce pour quoi je suis triste. Cette voix je lui donne un nom Slava, je vais marcher main dans la main avec lui pendant des années.
Les jours de pluie, même quand le soleil pleure, Slava vient me faire rire, il m’apprend des trucs de clown, il dessine des rayons de soleil sur mon cœur. Toute petite, je l'imite à faire des pitreries pour que mes amis ne voient pas ma peine. Pendant longtemps, on me surnommera Jojo le clown.
Puis un jour, arrivent mes dix-huit ans, je ne sens plus le besoin de toujours avoir ce clown accrocher à mes baskets, je suis une adulte après tout. Alors au coin d’une rue, j’abandonne Slava sur le bord d’un quelconque trottoir et je m’en vais sans lui dire au revoir. Ma vie d’adulte fut plutôt tourmentée. Après quelques années d’errance,
je me suis retrouvée au carrefour où je l’avais vu pour la dernière fois. Mon cœur se souvint de lui, de ses rires, de ses pitreries et pour la première fois son absence pesa lourd sur mon âme. Pourquoi quand nous devenons adultes, avons-nous peur de laisser ce clown se manifester et le laisser vivre en nous ?
C’est en entrant dans l’appartement que j’entendis de longs sanglots. Je cherchais d’où cela pouvait venir. Après avoir tourné en rond quelques minutes, j’aperçus une forme dans le coin de la bibliothèque, c’était sa place préférée. Dans la pénombre, je ne le reconnus pas immédiatement, mais en allumant la vieille lampe de porcelaine posée sur
une petite table d’époque… surprise ! alors là je sus qu’il était revenu. Je m’accroupis et m’assis à ses côtés en appuyant ma tête sur son épaule. Tout à coup, je sentis son bras m'entourer et ensemble on pleura sur nos retrouvailles.
Il m’expliqua vaguement le pourquoi de son retour, et je compris que plus jamais je ne le reverrai… avare de mots il me laissa ce poème que je trouvai à mon réveil…
Ce soir le vieux clown nous quitte
Les yeux rivés à son miroir
Le vieux clown pleure
Ce soir est son dernier soir
Il revoit toute sa vie…
Sa vie de clown
Il se voit arriver sur scène
Habillé de son habit tout bariolé
Et s’empêtrant dans ses chaussures démesurées
Regardant les yeux des enfants devenir tout étoilés
Exécutant quelques pas de farandole
Et quelques grimaces de guignol
De l’assistance s’élève le cri de joie des enfants
Parfois même, il entrevoit les sourires des plus grands
Sur scène
Il a toujours su cacher sa déveine
Il était là pour faire rire
Ignorant son propre délire
Ce soir est le dernier
Il devra tirer sa révérence
On ne requiert plus sa présence
On a déjà signé sa mise à pied
Une semaine après son départ, je fis un bizarre de rêve, je marchais avec lui, je lui tenais la main, Slava debout en équilibre sur une échelle. Vers midi, le facteur sonna à la porte et me remit une enveloppe. Quand je l’ouvris, un parfum embauma la pièce et je reconnus ce parfum… voilà son dernier message.
Un clown dans les nuages
Le vieux clown est mort hier
Mais… mais un cœur de clown
Demeure toujours dans notre imaginaire
Voguant avec le simoun
À la toute fin de son voyage
Enroulé dans sa toge
Son âme a quitté la loge
Et il s’est retrouvé entre deux
lampadaires du moyen-âge
En équilibre sur son nez
Se tenait une échelle
Voulant atteindre le ciel
Telle était sa destinée
Il vit librement
Dansant et chantant
Pour tous les enfants
Petits et grands
Qui ont rejoint le firmament
Sur son visage
Plus aucun maquillage
Et libéré de son lourd bagage
On entend son rire qui voyage
Si au clair de lune
Vous apercevez son visage
Flottant sur un nuage
Souhaitez-lui bonne fortune…
Texte de Jocelyne Pepin, novembre 2024
La cité hors du temps
23 septembre 2002, c’est un jour comme les autres ; mes besoins de base me préoccupent. Je travaille pour assouvir mes nécessités vitales, telles que manger, boire, dormir, me reproduire et m’occuper de ma progéniture. Chaque jour, j’emprunte mon véhicule à quatre roues et parcours les routes modernes et le pont-tunnel qui traverse le grand fleuve pour me rendre à mon travail.
Au fil des ans, qui a-t-il de changer ? Rien, si ce n’est que le visage de Montréal qui se transforme peu à peu sous mes yeux alors que je surplombe le Saint-Laurent. Ce visage est différent chaque matin ; parfois, ses édifices brillent au soleil levant, en d’autres temps, il est partiellement couvert par un léger voile de brume. L’hiver, il lui arrive d’être entièrement occulté par une violente tempête de neige. La valse des saisons maquille Montréal au gré des initiatives de dame Nature. La modernité asservie par le sédentarisme a supplanté la liberté, l’émancipation des peuples chasseurs-cueilleurs. Autrefois, les canots sillonnaient le grand fleuve, des arbres s’étalaient jusqu’aux pentes du Mont-Royal et l’air parfumé de cèdre et de sapin ouvrait pleinement nos poumons pour aspirer la vie à grand coup d’émerveillement. Ses doux arômes sont maintenant viciés par les gaz d’échappement des véhicules à essence.
Bien que tout ce paysage se transforme sous la domination de la nature et de l’homme motivé par le progrès, intérieurement je suis stagnant, voire prisonnier de la raison et de l’éducation reçues. Lorsque j’ai une décision à prendre, je n’ai aucune difficulté à faire la liste des avantages et des inconvénients, mais je n’arrive pratiquement jamais à faire des choix, à poser un geste, de peur de me tromper. Je demeure assis entre deux chaises, pour le moins inconfortables. Je me sens comme Gilles Legardinier lorsqu’il dit : « Or j’ai du mal à me débarrasser des problèmes. Je dirais même que c’est mon problème. Je prends tout à cœur, je me sens toujours concernée. Trop. » J’ai l’impression que, dans ma vie, tout s’embrouille davantage, comme atteint d’une cataracte irréversible. Pourtant j’ai tous les outils à portée de main : l’avis d’éminents psychologues, de coachs de vie sur YouTube, de collègues de travail, de séminaires sur tous les sujets pouvant m’intéresser. Tout est là ! Mais il me manque quelque chose. Il me manque un lien entre l’Ancien Monde et le monde moderne, une voix qui m’indiquerait le chemin à prendre, une voix qui vient du cœur.
Tenez, par exemple, actuellement, l’éducation de l’un de mes fils adolescents me préoccupe. Il est à l’école publique. Sa réussite scolaire est compromise par l’utilisation de substances illicites très populaire chez les jeunes. Il semble avoir perdu de vue la nécessité d’obtenir un diplôme qui le conduirait à une position sociale acceptable pour assurer sa survie. Il est en deuxième secondaire et il se dirige droit vers un décrochage assuré. Une partie de moi comprend bien mon fils, car je me sens esclave de toute cette éducation. Cela m’a conduit vers cette routine qui embrouille ma vision intérieure. Toutefois, une force invisible m’avertit d’un danger, me fait signe que nous devons faire quelque chose pour lui. Ma conjointe et moi en avons discuté et avons pensé l’inscrire à un pensionnat loin de la ville. Tout cela coûte très cher financièrement et la réussite n’est pas garantie. D’un autre côté, on se dit que l’école publique est très bien puisque ma conjointe et moi avons obtenu nos diplômes dans ce secteur sans problème. Ce n’est que passager, tout va rentrer dans l’ordre, me dis-je en essayant de me convaincre. Je mis tout cela derrière moi et je me tournai vers les préoccupations habituelles.
24 septembre, je me rends à la base de plein air de Longueuil en compagnie de ma conjointe, pour l’heure du lunch. Il y a un petit casse-croûte pour se procurer des sandwichs. Tout en attendant ma commande, j’ai une pensée subite pour mon fils et à ses projets d’avenir, c’est comme une vision. J’ai au même instant la pensée suivante : « Les études, ça coûte cher ! Et surtout lorsqu’on ne sait pas quoi faire. » J’oublie vite cette pensée. Mon repas est prêt et nous mangeons. Après le lunch, ma conjointe se rend à son cours. Quant à moi, je marche jusqu’au bout du parc. Je m’assois près de l’étang aux roseaux. Il y a plein de petits sentiers sans aucune issue qui serpentent cette zone. Un homme aux allures étranges m’a suivi. Il m’observe. Je ne me sens pas bien, je décide de quitter ce lieu et de retourner vers les trois lacs, près du refuge. La présence de cet inconnu m’oblige à utiliser un autre sentier. Sur ce chemin, des inscriptions au sol attirent mon attention. Il est écrit en gros caractères dessinés à l’aérographe de peinture noire : « Vous pensez que l’éducation coûte cher ; essayer l’ignorance ! » Je demeure stoïque. Je relis le graffiti pour être certain de ne pas avoir rêvé. Je regarde autour de moi pour m’assurer que je suis encore dans la base de plein air. Je ne sais pas qui a inscrit cela à cet endroit, et je sais encore moins si cette personne savait quel impact cela aurait sur moi. Comment a-t-elle été motivée pour poser ce geste à cet endroit ? Ce message me frappe comme un éclair. Je ne peux pas l’ignorer. Il me remet en pleine figure ce que je venais tout juste d’éloigner de ma pensée. Je me sens tout étrange, comme si un portail venait de s’ouvrir vers un nouveau monde. Je me sens léger, porté vers un espace intérieur indéfinissable, puis on me souffle à l’oreille : « Soit le bienvenu dans la Sainte-Chroni-Cité ! ». Je regarde tout autour de moi, ma conscience est vive et tous mes sens sont en éveil. Je sens mon cœur vibrer de vérité. Je ne ressens plus cette lourdeur sur mes épaules ni l’aveuglement causé par cette embrouille intérieure. Tout est clair ! Je respire à plein poumon cette courte incursion dans ce monde entre deux mondes, dans la Cité hors du temps où le temps, l’Esprit et la matière ne font qu’un.
Mon cœur vibre intensément et je ne doute plus un instant des démarches à entreprendre. La semaine suivante, accompagné de mon fils, je fis la rencontre du directeur d’un collège. La rencontre fut agréable, j’étais ouvert à toutes éventualités. Le directeur nous a fait comprendre qu’il était un peu tard pour débuter des études dans un pensionnat en troisième secondaire, que l’enfant aurait beaucoup de difficultés avec la discipline et la charge d’études à entreprendre. Cela avait du sens. Sur le coup, j’étais déçu, mais convaincu d’avoir posé le bon geste. Au retour, nous avons eu le temps d’avoir une discussion père-fils. Nous avons échangé sur ses projets d’avenir et je pense que cet instant eut une portée positive et décisive sur l’orientation de sa carrière. Par la suite, il envisagea ses études sous un angle différent, de manière plus responsable. Il termina le secondaire avec succès, puis obtint un diplôme collégial et un autre de nature technique lui permettant aujourd’hui de subvenir à ses besoins de manière autonome.
Depuis ce jour, qui fut pour moi une journée vraiment spéciale dans ma vie, je demeure à l’écoute de ce monde qui m’offre des occasions d’entrer en contact avec cette dimension. Depuis ce jour, répondre à mes besoins vitaux n’a plus le même sens et je considère mes enfants comme étant des miracles de la vie. Depuis ce jour, je n’accorde plus la même valeur aux événements. Je sais maintenant que cet univers, animé d’une conscience plus grande que soi, a côtoyé les hommes de l’Ancien Monde qui sillonnaient le fleuve en canot et qu’il continuera d’accompagner les civilisations à venir dans leur vaisseau intersidéral. Je sais maintenant que je suis devenu cocréateur avec les Guides, détenteurs de vérité, maîtres du temps et de la matière, citoyens de la Sainte-Chroni-Cité.
Texte de Yvon Bussière,
publié décembre 2024
Et si la vie m’offrait un cadeau
La vie n’est-elle pas elle-même un cadeau qui prend plusieurs formes et une multitude de couleurs ? Mais encore… Depuis soixante-quinze ans, elle m’offre le privilège de vivre une grande panoplie d’expériences qui m’apprennent à devenir chaque jour une meilleure humaine.
D’abord, la vie m’assigne, le premier rang d’une fratrie de huit, quelle belle opportunité qui me prépare à ma vie future de maman et de travailleuse, en plus d’être aimée par quatre frères et trois sœurs… pas toujours comme je le souhaite, mais de façon parfaite pour développer mes capacités et mon amour inconditionnel.
Puis avec la fin de l’adolescence, cette vie conduit à moi un amoureux qui me choisit, car gêné comme j’étais, rien ne se serait passé. Nous unissons nos destinées et arrivent deux petites filles « Mylène » sensible et sage tout en étant très déterminée, elle m’apprendra le lâcher-prise ; six ans plus tard arrive une deuxième « Karène » espiègle et curieuse, celle-ci sera mon miroir et osera me l’exprimer. Chacune dans sa couleur me permet de grandir, n’est-ce pas un grand cadeau de la vie ?
Et que dire de cette période où j’ai expérimenté d’être maman à la maison sans revenu et dépendante du conjoint. Ne pouvant rien décider par moi-même ne pouvant pas accepter de refus pour mes filles et pour moi, je prends la décision de retourner sur le marché du travail afin de retrouver mon autonomie financière, matérielle et humaine. Au cours de cet emploi, je deviens aidante auprès des personnes âgées, malades, pré et post opéré, même une petite maman un certain temps. Quelle richesse ce fut pour moi de côtoyer ces êtres qui m’accueillent et m’apprécient ! Pendant cette période d’environ huit ans arrive un cadeau un peu mal emballé cette fois : un divorce… eh oui, une expérience à travers laquelle j’ai encore appris. Durant cette période, mes deux précieuses filles m’ont permis de rester ancrée à l’essentiel de la vie et de développer une autre facette de l’amour. Quelques années plus tard, j’obtiens un emploi au Service Correctionnel du Canada qui se poursuivra vingt-deux ans pendant lesquelles j’ai porté plusieurs chapeaux et rempli une grande variété de rôles ; j’y ai côtoyé des êtres en souffrance et des collègues extraordinaires, une grande école et un grand cadeau de la vie encore une fois.
Puis une bonne dizaine d’années après ma séparation du père de mes filles, s’est présenté dans ma vie un homme merveilleux qui est papa de deux garçons, François et Martin. Il est pour mes filles une figure paternelle aimante et m’aime avec mes qualités et mes défauts. À travers les aléas de la vie, notre amour grandit et nous unit de plus en plus.
Subséquemment, la vie nous apporte neuf petits-enfants : six garçons et trois filles que nous chérissons et ils nous comblent de tant d’amour. Observer ces petits qui grandissent et s’épanouissent avec leurs parents pour devenir des adolescents et des adultes chacun dans sa couleur ; les aimer à notre façon et leur apprendre à s’aimer avec leurs forces et leurs faiblesses, telle est une mission des plus enrichissante qui me permet d’apprécier chaque instant qui ne reviendra jamais.
« Et si la vie me réservait encore une surprise… »
Eh oui, ce n’est pas fini, elle continue de nous gâter… Il y a quatre mois, notre premier petit-fils, Joey qui est maintenant âgé de trente ans, avec sa belle Mélissa nous ont fait arrière-grands-parents d’une magnifique petite fille : Juliette, elle est curieuse, éveillée et souriante. Quel privilège et quelle joie ! Cette enfant est très importante pour moi et je tiens à être présente le plus possible pour qu’elle me connaisse et il est primordial que je la découvre aussi afin qu’ensemble nous écrivions le prochain chapitre de notre histoire.
Ceci n’est qu’un bilan sommaire des expériences qui ont meublé mon existence et permis de devenir la femme que je suis. N’est-ce pas le plus précieux présent que la vie puisse me léguer ?
Je pourrais continuer à décrire tout ce que la vie m’apporte chaque jour, mais je termine ici en vous exprimant qu’elle m’offre une famille extraordinaire, des amis(es) précieux(ses) et le bonheur de dormir, me réveiller, vivre et sourire avec mon amoureux des trente et une dernière année.
Et si la vie m’offrait encore un cadeau ?
Texte de madame Gisèle Bray, publier janvier 2025
Si la vie m'offrait un cadeau.
a y est... la vie m'a déjà offert un cadeau… c’est elle qui m’a donné la vie, le plus grand des cadeaux que l’on puisse recevoir.
J’étais là attendant d’être envoyée sur la planète Terre pour continuer mon évolution. Puis, tout à coup cette petite particule de ce qui allait devenir moi s’est frayé un chemin et je suis devenue membre d’une belle grande famille. Aldéma et Marie Reine m’ont donné naissance et me voilà chez mes grands-parents maternels. Ils avaient trois filles et quatre garçons donc la maison était grande. Avec mon papa on était onze. Je ne prenais pas beaucoup de place et j’étais le bébé de tout le monde. Il parait qu’il y avait toujours quelqu’un pour me bercer. Il faut dire que pendant un court moment j’ai été très gâtée. Puis quand j’ai eu 13 mois ma sœur Marie-Lourdes est arrivée. Très vite nous voilà devenues cousines de plusieurs garçons et filles car mes oncles et tantes ont commencé à avoir des bébés eux aussi. Peu à peu la maison est devenue trop petite. Tour à tour ils partaient s’établir dans une demeure bien à eux.
Notre petite famille a dû déménager chez mon grand-père paternel car ce dernier est tombé malade. Il paraît que c’était le cancer de la gorge. Mon père devait le remplacer aux travaux de la ferme et des champs de culture. Quatre ans après notre arrivée, mon courageux grand-papa s’est éteint et il est parti pour toujours. Ce fut difficile pour ma sœur et moi car à notre âge la mort était incompréhensible et mystérieuse. Grand-maman à quitter le village après le départ de son époux quand la ferme changea de propriétaire.
Mon papa avait entendu parler d’une ville où il y avait beaucoup d’industries ayant besoin d’ouvriers. On est parti de notre belle campagne pour la grande ville.Oh ! que ma vie a changé à partir de ce moment-là… Du monde partout, du bruit, de la lumière toute la nuit et des sirènes qui se faisaient entendre très souvent même quand les gens dormaient.C’est à ce moment là que j’ai commencé à me sentir différente des autres. Je ne faisais pas parti de ceux qui m’entouraient. C’est comme si je n’appartenais pas à ce qui était là. J’ai essayé de le dissimuler mais ce sentiment revenait toujours.
La religion était très importante dans la famille. Le bon Dieu, les anges, les saints, les démons, le ciel et l’enfer faisaient parti des croyances et les convictions qui menaient le monde. J’aurais voulu disparaître de tous ces règlements et de toutes ces coutumes qui me semblaient futiles et insignifiantes, alors il me fallait trouver un autre environnement.La vie a mis sur mon passage une personne qui m’a amené à voir qu’il y avait un moyen de vivre d’une façon différente. Elle était une enseignante religieuse que j’appréciais beaucoup, sœur Alexandre Marie.
Un jour, le malheur a frappé ma famille. Mon père, revenant du travail un soir, a eu un accident et le voilà à l’hôpital entre la vie et la mort. Tout a changé pour maman et ses quatre filles. J’étais la plus âgée. Mes projets de trouver un autre environnement semblaient tombés à l’eau. Papa n’a vécu que quatre jours après la catastrophe.
Les frères de maman lui ont aidé à décider de tout vendre et de déménager en ville ou il y avait du travail pour elle. Elle connaissait bien cette ville pour y avoir travaillé quand j’étais petite. Quand cette décision fut prise elle m’a annoncé que je ne faisais pas parti de ce changement dans notre vie. Ma décision d’entrer au couvent à la fin de juillet n’était pas compromise. Mon père et ma mère en avaient parlé et ils étaient d’accord que c’était une bonne décision. Je suis entré en religion à 16 ans comme postulante. Le calme, la paix, le silence… Enfin j’étais bien. J’ai vécu là trois ans de grand bonheur. Puis le malaise de mon appartenance c’est refaufilé dans ma vie. Durant quatre ans j’ai essayé de retrouver le bien être que j’avais senti au début mais il fallait que j’envisage de partir. À l’extérieur après quelques mois, j’ai rencontré un homme qui avait connu un parcours similaire au mien. Il avait été en communauté 10 ans. J’ai fait sa connaissance dans un autobus. Peu à peu, l’amour a grandi entre nous. Enfin j’avais trouvé ma raison de vivre. Il chantait bien et jouait du piano. Il dessinait d’une manière extraordinaire. Un jour il a fait mon portrait. Il était chez lui et n’avait que des crayons de couleur mais quelle réussite ! Il l’a signé ’Finx’ pour ‘François in love’. Ce fut sa signature sur tout ce qu’il créait: Poèmes, dessins, peinture, sculpture, musique. J’en étais très fière.
Étant sortis de communauté nous étions très pratiquants. Puis nous avons commencé à prendre des cours de perfectionnement et de connaissances avancés. Les cours de théosophie nous ont fait bien réfléchir et discuter. C’est à ce moment que nous avons compris que l’église catholique nous tenait emboîtés dans un cadre. La plupart de ces hommes d’église pensaient bien faire mais nous empêchaient d’aller plus haut, d’aller plus loin.
L’ouverture dans notre esprit, dans notre âme et notre intelligence s’est faite et la lumière nous a été donnés de voir la réalité en face ! La divinité n’est pas en haut ni en bas. Elle est partout. En nous, autour de nous, sur notre planète et dans l’univers entier !
Tout est devenu si évident, si simple, si stimulant. Dorénavant ce n’était ni notre foi, nos croyances ou notre entourage qui nous dirigeraient. Maintenant nous savions sans l’ombre d’un doute que l’on faisait partie de cette Déité qui était partout. Elle nous avait donné la vie pour que l’on continue d’évoluer dans nos expériences jusqu’à ce que nous puissions fondre dans l’Énergie qui est la source de tout et de tous. Ce fut vraiment tout un cadeau de la Vie.
Texte de Jeanne d'Arc Lavictoire
Publié, février 2025
« Mon clown intérieur »
Grands sourires, petites tristesses
Âgée de 22 ans, Angélique découvre Montréal, avec ses rues animées, ses cafés bondés et ses bruits citadins qu’elle apprivoise lors de ses escapades dans la « grande ville ». Elle a choisi cet exil, car cette effervescence cosmopolite l’attire et l’effraie, elle, la jeune adulte à la recherche de son identité. Dès l’adolescence, elle rêvait d’être perdue dans la foule, incognito, et de s’imprégner de l’énergie créative qu’elle sentait vibrer en elle. Vivre à Montréal représente son salut vers l’émancipation, si fière d’exprimer ses intérêts pour la danse, le théâtre, le psychodrame, le mime et l’art clownesque. Angélique participe à des animations de quartier sur la rue Saint-Denis, faisant rire les petits et les grands, habillée de vêtements amples et colorés, avec un maquillage adapté à son rôle de clown. Les adultes sourient en la croisant, certains enfants aussi, alors que d’autres n’apprécient pas sa présence et tentent de l’éviter. Angélique est étonnée de ces réactions de peur, elle qui doute de ses talents et recherche la confirmation de ceux-ci dans le regard des autres.
À cette époque, Angélique rêve d’être une artiste, s’identifiant à Diane Dufresne ou à Diane Tell, ces femmes déterminées, confrontées à un milieu artistique compétitif et exigeant. Elle se sent très vulnérable et surtout, elle se berce d’illusions, puisque professionnellement, elle s’oriente vers une formation universitaire à vocation sociale et non artistique. Inconsciemment, elle désire combler ses manques, obtenir l’attention des autres, et surtout, répondre à ses besoins d’amour et de reconnaissance. Stimulée par la vie trépignante de Montréal, elle ressent malgré tout une certaine solitude, attristée de ne pas trouver à l’intérieur d’elle ce qu’elle recherche en se comparant à autrui.
Angélique s’inscrit à des ateliers de danse, démontrant ainsi son désir d’expression, celui qui la suit dans ses retranchements les plus intimes. Lors de sorties nocturnes dans les bars, elle envahit la piste et virevolte pendant des heures, inspirée par les musiques rythmées de l’époque. Elle observe les corps en action et recherche des regards complices à proximité, mais le sentiment de solitude persiste, incisif et blessant.
Avec le recul, Angélique comprend qu’elle a exploré sa lumière et son ombre lors de ces années vécues à Montréal, alors qu’à son arrivée dans la métropole, la jeune femme qu’elle tente d’être, mêlée à la foule, cherche ses repères. Elle quitte Montréal quinze ans plus tard, revenant habiter en Estrie pour y poursuivre sa carrière. Elle reconstruit son nid, pensant avoir délaissé ses idéaux de jeunesse qui lui paraissaient irréalistes. Pourtant, son âme d’artiste refait surface sous une autre forme. L’enseignement collégial favorise son besoin d’expression et de créativité. Elle transmet sa passion pour la relation d’aide à travers les arts, que ce soit par le biais du théâtre, de l’improvisation, de la danse et l’expérimentation du journal créatif auprès de ses étudiants et étudiantes, ce qui fait vibrer à nouveau son clown intérieur.
Puis, à l’aube de sa retraite de l’enseignement, Angélique se remémore tous ces moments où elle prenait plaisir à expérimenter différents médiums artistiques et elle s’inscrit à des ateliers de composition picturale où le pastel et la peinture acrylique stimulent son imaginaire. Elle apprivoise à nouveau l’élan créatif qui l’habite, déstabilisée cette fois-ci par une approche qu’elle ne maitrise pas. Elle désire trouver un espace où l’expression de soi lui permet de s’actualiser et d’acquérir de nouveaux apprentissages stimulant sa créativité. Ayant le goût d’afficher ses œuvres, elle participe à plusieurs expositions avec d’autres artistes peintres, qui, comme elle, désirent faire reconnaitre leurs talents.
Aujourd’hui, Angélique, âgée de 66 ans, évalue son cheminement et constate que depuis sa plus tendre enfance, elle démontre une belle sensibilité intérieure qui rejaillit dans plusieurs sphères de sa vie. Par ses choix, elle alimente son clown intérieur, suivant son intuition et ses élans, même si elle ne peut comparer sa démarche artistique à Diane Dufresne, une de ses idoles. Ce clown, parfois triste, souvent heureux, elle l’apprivoise et apprécie son indéfectible protection. Dans les moments de vulnérabilité ou de bonheur qu’elle désire partager, elle s’exprime par la création artistique, qu’elle soit littéraire, manuelle ou autre, ce qui l’apaise et enrichit sa personnalité. Voilà le secret d’une vie satisfaisante, où l’exploitation de ses talents contribue au bien-être intérieur.
Texte de Sylvie Girard,
Publié, mars 2025