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 Concours d'écriture de JMV 2021

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Sous le thème: Soudainement, c'était si silencieux...

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Tous les textes soumis au concours 2021 sont publiés sur cette page.

Voici tout d'abord ceux de nos 3 gagnants.

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1er prix Madame Suzanne Blackburn, Laurentides.

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Soudainement, c’était si silencieux. 

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Vous avez entendu parler du Big Bang, cette réaction chimique violente, accompagnée d’un dégagement d’énergie inimaginable. Cette déflagration serait à l’origine des galaxies, des constellations, des milliers d’étoiles, de la Voie lactée, du système solaire et de notre petite planète, la terre.

 

Avant le Big Bang, c’était le néant, le silence absolu, et pour en sortir il fallait, pour commencer, abolir le silence.

En effet, cette détonation incroyable qui s’est produite il y a des millions, des milliards d’années, a créé des particules élémentaires. Apparurent ensuite des molécules qui se sont transformées, complexifiées et donné naissance à des êtres vivants qui ont évolué. Du règne végétal au règne animal, jusqu’à l’être humain, considéré comme le summum de l’évolution sur terre et peut-être dans l’univers.

Cette déflagration est à l’origine de tout ce qui existe. Dieu, qu’on est loin de la création en sept jours.

 

Ramenons notre réflexion à l’échelle humaine. Dès la conception, nous sommes bercés par les battements du cœur de notre mère et les gargouillements de sa digestion. Nous prenons conscience de notre existence.

Sitôt sortis de l’utérus, nous nous manifestons par nos premiers cris. Nous entendons pour la première fois notre propre voix et en même temps celle des personnes qui s’énervent autour de nous. Nous apprivoisons vite notre nouvel environnement sonore. Nous apprenons à imiter des sons. Ce n’est pas toujours facile, mais en même temps c’est fabuleux de découvrir que ces sons, qui font bouger les lèvres dans toutes les directions, sont des mots. Nous découvrons le pouvoir de la parole. Nous n’avons plus besoin de geindre ou de pleurer pour obtenir

ce dont nous avons besoin.

 

En même temps, nous réalisons que tous les bruits ont une signification :
le bruit de la porte qui s’ouvre et se referme annonce une arrivée ou un départ;
un bruit de pas de plus en plus fort averti que quelqu’un approche;
le bruit d’assiettes qui s’entrechoquent prévient qu’on va manger bientôt;
les bruits de moteurs au-dehors signalent qu’il y a des autos qui passent dans la rue;
sans oublier le tic tac de l’horloge qui nous rappelle que le temps passe. 

 

L’univers sonore, c’est tellement extraordinaire. Si l'on est chanceux, il y a un gros piano dans la maison et ceux qui s’installent devant en font sortir des espèces de bruits incroyables qui nous chatouillent jusque dans le ventre. Quels sons merveilleux! On ne peut pas appeler ça vulgairement du bruit.  Ce n’est pas non plus des mots.

C’est de la musique et ça éveille des émotions : de la joie, de la tristesse, du plaisir, ça donne le goût de danser,

de chanter.

Quelle merveille!

 

Dans la vie des sociétés humaines, villes, états, pays, le bruit a toujours occupé une place prépondérante.

Pouvez-vous imaginer une économie en santé sans des usines et des manufactures, toutes aussi bruyantes les unes que les autres, qui tournent à plein régime? Des commerces qui roulent et envoient des gros camions sur nos routes pour nous approvisionner, jusqu’au joyeux tapage des cours d’école, les bruits nous entourent

et nous rassurent.

 

 L’histoire et le progrès se sont nourris aux bruits. L’univers en a toujours été rempli. Rempli de sons, de musiques, de mots. Rien de plus apaisant que le bruissement du vent dans les feuilles et les chuintements des mouvements de l’eau. Les bruits de la vie courante, la rumeur de l’autoroute, la musique à plein volume, les voix qui enterrent

le bruit, le tapage incontournable des fêtes sont des manifestations d’une société bien vivante.

 

À l’automne 2019, la rumeur faisait état d’un coronavirus menaçant qui voyageait dans le silence le plus total. La Covid-19 faisait des ravages en Chine. Bah! C’est loin la Chine, pas de quoi s’inquiéter. Début 2020, l’Italie, l’Angleterre et finalement toute l’Europe étaient envahies. En Amérique du Nord, on se croyait à l’abri.

 

En mars 2020, le virus s’était officiellement infiltré chez nous. Il commençait à faire de sérieux dommages.

Il fallait agir, et vite. Nos dirigeants ont fermé les portes des Centres de soins de longue durée et des Résidences pour aînés; ils ont confiné leurs résidents dans le silence. Ils ont fait taire le tintamarre des ateliers et des usines.

Le transport routier sur rail et par la voie aérienne a ralenti de façon drastique.  Exit les cris joyeux des cours d’école, les festivals de musique électrisants, les bruits du quotidien. 

 

Soudainement, c’était si silencieux… 

Nos repères sonores avaient disparu.

Partout sur la planète, la mort nous menaçait. 

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2e prix Madame Joane Seney, Lanaudière.

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La Maison

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Léo se tenait là, debout, impuissant. La douleur qu’il ressentait dans la poitrine s’amplifiait. Son cœur, gonflé et lourd, empêchait l’air de passer dans sa gorge. Puis, l’oxygène entra dans ses poumons avec violence. Sa tête se serra comme sous la force d’un étau. Ses tempes furent frappées par des battements rappelant un marteau-piqueur. Ses yeux s’emplirent doucement de larmes. Soudain, la pression se relâcha… le bruit maintenant ne venait plus de l’intérieur.

C’était celui horrible de la grue mécanique qui remplissait tout l’espace.

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La maison s’effondra comme un château de cartes. Comme une construction de pacotille. Comme un abri de vieux cartons mouillés. Après le passage dévastateur de la crue printanière, ses murs imbibés d’eau et de moisissures semblaient faits de papier mâché. Il ne fallut que quelques coups dans son flanc pour qu’elle s’écroule avec un faible craquement qui le toucha direct au cœur.

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Cette maison n’avait jamais été un palais. Elle avait été échafaudée au petit bonheur des matériaux rassemblés à gauche et à droite, souvent offerts par des mieux nantis. 

Mais, c’est son père qui l’avait bâtie!

 

Celui-ci avait reçu en cadeau un lopin de terre en bordure de l’eau. Les frères plus âgés de la famille avaient eu droit aux terrains situés à proximité de la route. À cheval donné, on ne regarde pas la bride! L’emplacement ferait l’affaire. Son père avait toujours aimé la rivière. Il s’installa donc tout près du rivage, dans une modeste demeure pour y loger son épouse et leur fillette d’à peine deux ans.

C’était en 1940.

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Léo naîtra deux ans plus tard. Au fil des ans, le paternel agrandirait la maison, y ajoutant un étage, une annexe, même un « tambour » pour le rangement et la lessive.

La cuisine, spacieuse et chaleureuse, accueillait régulièrement oncles, cousins et amis pour des discussions animées et bruyantes sur les prochains voyages de chasse ou de pêche. Soutenu par les effluves des rôtis, des bouillis de légumes, des beans, et de tous les gâteaux et sucreries que sa mère préparait jour après jour, l’humble logis était devenu un lieu de rencontre et de rassemblements bourdonnants aux sons joyeux et rassurants. Lorsque les hommes étaient absents, les femmes de la famille se réunissaient autour de la table pour une partie de cartes. Les langues se déliaient et les jasettes ponctuées de rires prenaient place, nimber d’une épaisse fumée de cigarette. 

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Ce matin, dans la poussière de démolition, toutes les images de son enfance refaisaient surface.

Depuis, bien de l’eau avait coulé dans la rivière!

 

Au tournant des années 60, les habitations s’étaient multipliées sur le littoral. Empiétant sur les terres inondables, on rasait les arbres centenaires et protecteurs. On bâtissait! Puis, des murets de pierres et des quais de béton avaient été érigés sur les berges afin de permettre aux riverains de profiter pleinement de la généreuse source. Les bateaux à monteur se firent de plus en plus nombreux. Les engins bruyants fendaient les vagues à toute vitesse et ravageaient les fonds marins sans remords.

Les sports nautiques devenaient le Panthéon des gens riches de la région et d’ailleurs. Les terrains s’arrachaient à prix d’or. Le petit lopin hérité du grand-père fut convoité à plusieurs reprises. Son père avait toujours refusé de vendre. À son tour, il avait rejeté plusieurs offres alléchantes.

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La rivière Richelieu coulait dans ses veines. Depuis maintenant soixante-dix ans, qu’il était implanté à cet endroit et ce cours d’eau faisait intimement partie de sa vie. Il avait bien quitté le domicile familial lorsqu’il s’était marié, mais moins d’un an plus tard, au décès de son père, il fut de retour. Le deuxième étage fut transformé, afin d’en faire un logement pour sa mère. Lui et sa jeune compagne prirent possession des quartiers du rez-de-chaussée.

Puis, au printemps 2011, la Richelieu s’était déchainée, avec fougue, submergeant des kilomètres et des kilomètres de rivages. La nature reprenait le territoire qu’on lui volait depuis trop longtemps. La vieille construction fut inondée. 

Aujourd’hui, elle serait effacée du paysage. En ce matin de la démolition, alors qu’il se tenait là, en retrait du chantier, il sentit tout à coup la désolation l’envahir, comme l’eau avait envahi sa demeure. Il n’avait plus qu’une envie: disparaître dans cette maudite rivière qu’il aimait tant. 

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Soudainement, c’était si silencieux… tout aux alentours lui apparaissait comme dans un rêve. Comme un dans un film muet. Son cœur voulait s’arrêter.

Soudainement brisant ce silence quelqu’un lui toucha le bras: 

  • Papa! Papa! viens, je t’amène à la maison. 

  • La maison… je n’ai plus de maison!

  • Mais oui papa, chez-moi, c’est maintenant ta maison.

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3e prix Monsieur Paul Roy, Ontario/Outaouais

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Visite aux frontières de la mort

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Je me croyais invincible.

J'étais en début quarantaine et adepte d'activités physiques au quotidien. J'avais une carrière ascendante et une vie familiale mouvementée. Je désirais toujours prouver que j'étais capable d'en faire plus que les autres.

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C'est arrivé un lundi matin. Afin d'alléger mon niveau de stress, je me retrouve au gymnase à mon lieu de travail. Je rencontre trois collègues afin de disputer quelques joutes de badminton pendant notre heure du dîner. Comme d'habitude, je choisis un partenaire pour y jouer à deux contre deux et la partie débute. Peu de temps après, je commence à ressentir un malaise que j'attribue à un problème de digestion du muffin que j'avais mangé une heure auparavant. Je n'en fais pas de cas et je continue à jouer. Tout à coup, je ressens le malaise plus intense et mon partenaire me demande: « Est-ce que ça va ? Tu as l'air d'un fantôme ! » « Je vais m'asseoir pour quelques minutes » que je réponds.

Après environ cinq minutes, j'annonce mon retour dans la partie. Je reprends le jeu et peu de temps après, je commence à suer profusément et le malaise revient en triple, mais cette fois, je ressentais de la douleur extrême à la poitrine. J'ai finalement compris que ce n'était pas normal.

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Mon partenaire indique qu'il allait appeler une ambulance, mais j'ai refusé. J'ai demandé d'être reconduit en auto. Mon orgueil a pris le dessus et je ne voulais pas être aperçu, dans cette condition, sur une civière, à mon lieu de travail. Mon partenaire a trouvé un collègue pour me reconduire, mais auparavant je désirais me changer de vêtements. La marche pour me rendre à mon casier a été longue et pénible. Je m'assois sur le banc devant mon casier. J'étais sur le point de m'évanouir quand j'ai entendu à l’interphone qu'on me cherchait. Mon collègue me cherchait lorsqu'il m'aperçut près

de mon casier. Il me reconduit à l'auto pour m'amener à toute vitesse à l'hôpital le plus près.

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Une fois arrivé à la porte de l’urgence pour ambulance, j’ai remercié mon conducteur et péniblement, je me suis rendu au comptoir en me tenant la poitrine. Je dis à la préposée que je croyais faire un infarctus. J'ai entendu la préposée appeler un code d'urgence et immédiatement, je fus couché sur une civière et fus apporté dans une salle qui me semblait être une salle d'opération. En très peu de temps, j'étais entouré d'une demi-douzaine d'infirmiers et du cardiologue en chef de l'hôpital. Il donna des instructions aux préposés afin de m'installer des moniteurs cardiaques. Un des préposés me dépose un téléphone sur la poitrine et signale mon numéro à la maison, puis il me passe le récepteur. Il n’y a personne pour répondre et je laisse un court message sur le répondeur, pour mon épouse : « C’est moi. Je suis à l’hôpital général et il semble que je suis en train de faire une attaque de cœur.

Je vous aime. » 

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Le docteur confirma le diagnostic : je fais un infarctus ! Il demanda à un autre physicien de m'injecter de la morphine pour combattre le mal ainsi qu'une autre substance qui devrait briser le caillot, cause de cette lésion. Ces médicaments devaient faire effet en dedans de trente minutes. Ce ne fut pas le cas et après ce temps, on m’injecta une seconde dose. Mon niveau de douleur était très élevé et je ressentais l'effet de l'adrénaline dans mon corps qui combattait pour moi. J'entendis le cardiologue dire aux préposés que j'étais sur le point de partir. Il ordonna aux préposés de descendre la civière de quarante-cinq degrés avec tête et haut du corps vers le bas et demanda à un infirmier de se préparer à me donner une décharge électrique par défibrillateur.

C'est à ce moment que je me suis rendu compte que j'étais vraiment sur le point de mourir !

 

J'ai accepté mon sort. Je fermai les yeux et je laissai mes bras tomber de chaque côté de mon corps, comme Jésus sur la croix, et j'ai prié afin de ne pas voir le tunnel de lumière.

Soudainement, c'était si silencieux ! Pas un son. J'ai ressenti une grande paix intérieure, un état de grand calme et je n’éprouvais plus aucun mal. Je pouvais voir, comme un spectateur dans une estrade en hauteur, ce qui se déroulait dans la salle. Le cardiologue dirigeait les activités tout en observant les moniteurs et le préposé avec les manettes du défibrillateur près de ma poitrine. Les autres préposés étaient affectés à différentes tâches. Tout à coup, j'ai entendu le cardiologue dire que je semblais être sur le point de revenir. 

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Peu de temps après, j'ouvris mes yeux et constatai que j'étais retourné à l’intérieur de mon corps.

On releva la civière à l’horizontal et je repris connaissance. Le cardiologue me confirma que je venais de subir une attaque de cœur massive et qu'il était surpris que je sois passé au travers. Mes poumons s’étaient remplis de salive à cause du temps passé avec le corps penché à l’envers et lorsque je parlais, c’était comme parlé sous l’eau. 

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Mon fils aîné, qui était aux études au collège situé près de l’hôpital, fut le premier à se rendre à l’hôpital. Il a pu me visiter brièvement dans la salle d’urgence avant que je sois transporté au département des soins intensifs. Je lui ai expliqué ce qui s'était passé tout en essayant de ne pas l’alarmer du sérieux de ma situation. Une fois au département des soins intensifs, mon épouse et mes quatre enfants se sont retrouvés pour venir me visiter. On permit à mon épouse de venir me voir la première. J’ai éclaté en sanglots dans ses bras. Elle était la seule personne avec qui je partageais mes émotions. Une fois replacé de mes émotions, mes enfants ont pu me visiter pour quelques minutes. Je ne pouvais pas parler beaucoup, mais j’étais bien content de les voir et je leur ai présenté un sourire et un pouce en l’air, pour indiquer que tout irait bien.

Mais le combat était loin d’être terminé et par la suite, j’ai passé dix jours aux soins intensifs, entre la vie et la mort. À quelques reprises, les infirmières m'ont réveillé afin de me mettre un plein masque d’oxygène. J’ai appris par la suite qu’une d’elles, appelait mon épouse afin de l’avertir qu’il y avait possibilité que je ne passe pas la nuit.      

Une fois hors de danger, je fus mis au repos afin de regagner mes forces. Après un mois à l'hôpital,

j’ai été opéré à cœur ouvert et on me fit cinq pontages coronariens.

Trois jours plus tard, je fus relâché de l’hôpital et retournai à la maison.

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La guérison de ma chirurgie a duré environ quatre mois et je repris le travail à temps plein. Ce fut une erreur car ma convalescence physique et surtout psychologique dura deux années. J’avais une nouvelle appréciation pour la vie et je voulais compléter ma carrière sur une bonne note. 

Malgré tout, je revis cette expérience traumatisante tous les jours. Je reconnais que je ne suis pas invincible, que je dois écouter mon corps et prendre soin de moi. J'ai dû réorganiser les priorités de ma vie et accepter mes limites. Depuis, je vois la vie avec les yeux du cœur, je vois la beauté dans tout ce qui m'entoure, et je n'ai pas peur de l'au-delà. 

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Deux décennies plus tard, je reconnais la chance que j’ai eue à une deuxième vie. J’ai pu voir mes enfants devenir adultes et établir leurs propres familles.

Aujourd’hui, je suis comblé d’être grand-papa huit fois !

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La vie est belle et vaut la peine d’être vécue au maximum. 

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Mais je me questionne toujours sur ce qui s'est passé cette journée où tout est devenu si silencieux ! 

Voici maintenant les autres textes soumis au concours 2021

Soudainement, c’était si silencieux

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Aucun bruit, dans la maison.

Assise dans mon lit, je réalisais que tu n’étais plus à mes côtés.

Tu étais parti. Tu étais sorti en mer sans tous tes objets fétiches dont tu ne te séparais jamais. Un doute m’a envahi, quand j’ai vu ta veste de laine, mais je ne m’y suis pas attardé, jusqu’à ce que tout le reste me soit apparu subitement, et là, un pressentiment m’a arraché un cri.

Comme à ton habitude, tu avais dû lâcher les amarres peu avant l’aube, et la journée avait bon augure selon la météo, tu prévoyais rentrer d’ici quelques jours sûrement.

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Je cherche toujours l’élément, celui qui a fait que tu es parti aussi vite ce matin, sans prendre même le temps de déjeuner. Le cadran qui n’a pas sonné? J’en doute, car tu ne t’en sers jamais ou presque, parce que tu t’éveilles bien avant. Un appel de la marina pour un problème à ton bateau, l’appel d’un des marins qui t’accompagnent en mer et qui ne peut naviguer avec toi ce jour-là…je ne sais pas, c’est un mystère complet.

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Durant ces vingt années de navigation, j’ai toujours été là pour toi, je me levais avec toi pour le petit déjeuner, pour te tenir compagnie, pour te saluer avant ton départ en mer. Je préparais aussi les contenants de nourriture pour les jours au large. Je ne me suis pas éveillée pourquoi? Tu ne m’as pas réveillée pourquoi? Je cherche un indice, j’imagine plein de scénario…mais rien à faire c’est le néant je perds tous mes repères.

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À peine quelques heures après ton départ, aussi subitement qu’inattendu, l’alerte météo est arrivée, une tempête incroyable était en formation au-dessus de l’Atlantique. Elle se dirigeait sans nul doute vers les côtes de Terre-Neuve. Elle arrivait du Maine et se dirigerait par la suite vers les Iles de la Madeleine, avec des vents de plus de 120 km/h, la gravité de ce système n’était pas négligeable et on demandait à tous les marins au large de rentrer au port le plus près.

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Ce jour-là, j’ai fait mille et une tentatives sur le radiotéléphone, mais la batterie devait être à plat, ou tu étais sur le pont à essayer de sauver ton équipage, le bateau et toi par le fait même, aussi mes messages sont restés sans réponse. Les jours suivants ne m’en donnèrent pas plus. 

Je ne dormais que par bout, au moindre bruit je sautais du lit, et je criais ton nom, espérant que tu venais d’entrer à la maison, et dès que je me rendais compte de mon erreur, un flot de larmes jaillissaient sur mes joues. Je hurlais ma douleur, la vie était devenue un enfer pour moi. 

Comment me sortir de ce cauchemar, j’en n'avais aucune idée.

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J’ai gardé l’espoir de te revoir vivant jusqu’au jeudi soir, je croyais que tu avais dû te chercher une cache dans une baie pour mettre ton bateau à l’abri, et une grotte pour les hommes et toi, avec le lunch qui se trouvait à bord, je vous savais en mesure de passer quelques jours sans aucun problème. Mais le pressentiment ne me lâchait pas, tu étais parti vers ta destinée ce matin-là, un matin fatidique, j’en étais presque certaine. Il n’y aurait pas de retour possible, je venais d’accepter l’inacceptable.

La Garde Côtière a déployé durant ces jours déchaînés, tous ses effectifs afin de retrouver, autant que faire se peut, ceux qui ne répondaient plus aux appels, et ceux qui lançaient sans interruption des signaux de détresse.

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Durant plusieurs mois, j’ai cherché le pourquoi, je demandais à Dieu la raison, tu étais ma vie, mon unique raison de vivre, je me retrouvais seule, sans ton amour, sans ton aile protectrice, sans ton humour et ton œil moqueur. Je n’ai pas d’enfant pour me consoler, pour me donner un but à atteindre, je n’ai plus personne à aimer, à chérir.

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J’ai espéré en vain ton retour, souhaité un miracle, je marchais en somnambule sur les plages en regardant le large, parfois même je voyais la goélette en mirage. 

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Les gens de l’île essayaient de m’entourer, de m’empêcher de sombrer dans ce chagrin, aussi lourd que la tempête qui t’avait fauché, mais je restais dans ma bulle, il n’y avait plus de lumière au bout de mon tunnel, ce n’était qu’un trou noir qui m’entraînait toujours plus profond, de jours en jours.

Le moment que je préférais c’était la nuit, quand, dans mon sommeil tu me rendais visite, tu étais si présent, si réel, je pouvais même sentir ton odeur, et il me semblait que mes mains glissaient dans tes cheveux bouclés, mais à mon réveil la douleur était là, bien présente, et ton absence aussi.

J’ai tout préparé dans ma tête, je n’avais plus la force de vivre sans toi, je voulais te revoir, et pour cela il n’y avait qu’une façon d’y parvenir, c’était partir en mer afin de te rejoindre dans ses flots. Depuis quelques jours j’ai visité famille et amis, et je crois qu’ils ont cru que le goût de vivre me revenait, c’était ma façon de leur dire adieu, je ne voulais pas que l’on fasse entrave à mon projet. 

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Sur un vent d’espoir, je prends la mer comme le vieux marin à son dernier voyage.

J’ai tout à bord, tout ce qui me rappelle ta présence, ta vieille veste de laine bleu marine, celle que j’ai tricotée un jour, des photos de nous, ta guitare, et toutes tes feuilles de musique, et même ton harmonica. Maintenant je souris, le calme s’installe en moi.

C’est un matin froid d’automne, la mer à cette couleur foncée des mauvais jours.

Ma barque avance péniblement sur l’eau, la vague de ce vent du nord me fait reculer, et mon faible coup de rame n’aide pas, durant ces mois de chagrin et d’angoisse, j’ai perdu de ma force et j’ai moins d’aptitudes, surtout je n’ai plus vingt ans. Je me dis qu’au contour de la petite île se sera encore pire que cela, je n’ai pas peur, je me dirige vers le large sereinement, mais je commence à sentir le froid, mes doigts et mes pieds gèlent de plus en plus, je sens comme un engourdissement dans mes membres, mais je rame le plus fort que je peux. De l’autre côté de l’île ronde, l’eau glacée s’infiltre à bord, et de toute évidence mon temps est compté, et ce n’est plus en heure mais en minute maintenant. Je prends ta veste de laine et je m’en recouvre pour me coucher tout au fond du bateau.  

Je m’abandonne à la vague, aux vents du large pour te rejoindre, le courant m’emporte dans ses eaux noires et glacées, anesthésiant mes souvenirs, gelant mon cœur blessé.

Mon âme est vide, je ne souffre plus, mon unique désir entrevoir ton regard azuré, j’accosterai à ton port, m’abandonnerai à ton Dieu, si c’est l’unique moyen de retrouver ton corps.

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Souviens-toi de nous, embrasés sous l’édredon, au creux du lit désordonné mourant à l’extase fou.

Le temps me presse mon amour mon adoré, le souffle de vie me quitte, je crie ton nom sans cesse, Charles mon amour me voici, tends-moi la main, je t’avais promis un jour, pour le meilleur et pour le pire, le pire était de vivre sans toi.

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Qu’arrive enfin la paix, au chevet de ma souffrance, toi mon salut mon havre tu seras ma délivrance.

Je m’abandonne à ma douleur, à mes peurs, à la mort, pour enfin te retrouver. 

Charles, Charleeees, où es-tu Chaaaaaarlessss,

Solange, Hé! Solange, réveilles-toi tu fais un cauchemar, 

Charles, t’es revenu ? j’ai tellement froid,

Comment revenu, je ne suis pas parti encore, nous partons juste dans deux jours, tu rêvais ma chérie, pour ce qui est du froid, c’est que nous manquons d’électricité depuis quelques heures, j’étais descendu à la cave pour allumer la fournaise. Quand je te vois pleurer même en rêve cela me dérange, je peux savoir à quoi tu rêvais comme ça…qui est le responsable de cette peine.

Ho! Charles c’était affreux, affreux, tu avais fait naufrage avec ton équipage, et tu restais introuvable, je rêvais que j’abandonnais tout pour aller te retrouver dans les flots. 

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Je me suicidais Charles, j’avais trop de chagrin, merci mon Dieu, merci, ce n’était qu’un mauvais rêve. 

Allez ma chérie, viens dans mes bras, je suis là et pour longtemps, tu vas voir, tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça….

Ne dis pas de sottises, j’ai eu si peur, et c’était tellement vrai.

Le vrai c’est que je t’aime et que je suis là, maintenant rendors-toi mon amour.

Après un long soupir de satisfaction, je me suis enroulé dans ses bras et j’ai fermé les yeux. « Soudainement, c’était si silencieux » que je me suis rendormi.

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Texte de madame Monique Gagnon, Montérégie-Est

Publié le 1er oct. 2021

Soudainement, c’était si silencieux...

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D’ordinaire, je vis dans un environnement calme et paisible, parsemé de discussions enrichissantes avec ma compagne de vie.

Seule la musique, même en sourdine, vient troubler ce paisible environnement. Nous vivons une pandémie depuis plus d’un an et nos relations sociales ont beaucoup souffert, malgré les appels et les visioconférences sur Facetime et ZOOM.

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Ce soir-là, j’assistais au spectacle souvenir de Peter Frampton qui célèbre les 35 ans de la sortie de son premier et tellement mythique album Compton Comes Alive où il faisait parler sa guitare.

Les connaisseurs, ou encore mieux, ceux qui s’en souviennent, se rappelleront... 

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Ma copie vinyle de ce disque repose bien sagement dans une boîte au sous- sol, avec bien d’autres vieux souvenirs.

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La salle Wilfrid-Pelletier de la Place-des-Arts est bondée, on sent même quelques effluves de mari, souvenirs nostalgiques d’une époque révolue. Nous avons tous une anecdote ou deux à raconter à notre voisin de siège en remontant dans nos souvenirs de cette époque. Les coupes de cheveux afro ou Longueuil, les pantalons à pattes d’éléphant, les soirées disco endiablées.

Nous sommes tous là rassemblés, vieux et moins vieux, comme pour assister à une grand- messe et le pasteur apparaît soudain devant nous sur une scène pas trop éclairée. Peter Frampton va rejouer, pour nous et intégralement, le même concert donné en 1976.

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Crâne dégarni, enjoué et visiblement ravi d’être là, il nous promet de faire revivre de bons souvenirs musicaux. Soudain...

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Au moment d’attaquer la première pièce, Something’s Happening, on aurait dit que ce titre était prémonitoire, on entend les premiers coups de feu tirés hors de la salle. Interdit, Frampton regarde la salle avec stupéfaction et pointe du doigt l’une des sorties latérales. Des hommes en noir qui n’ont en rien de la tenue habituelle des agents de sécurité de laPDA, dont la plupart gisent étendus, plus morts que vifs, envahissent la salle en tirant en l’air et parmi les spectateurs du parterre.

Une fois les premières salves tirées, le chef des terroristes s’empresse de crier :

- Personne ne bouge de son siège! La salle est piégée et il y a des explosifs à tous les niveaux de siège. Ne vous bercez pas d’illusions, on va tous y rester : j’ai même appelé la police!

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Un grand type d’allure athlétique – peut-être un policier en congé - se lève de son siège en portant la main à sa ceinture et avant de prononcer quelque parole que ce soit, reçoit une rafale de AK-47. Fin des émissions pour lui.

Sa compagne se penche vers son corps inanimé, en pleurs en demandant : « Pourquoi? ».

Pour toute réponse, autre rafale qui l’atteint mortellement aussi.

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Frampton, pétrifié, comme ses musiciens, ne bouge pas d’un cil, comme l’a exigé le chef des terroristes. Et sans aucun autre avertissement, l’un d’eux a sûrement entendu les sirènes de police, les terroristes se mettent à tirer dans le tas, à tous les niveaux. Ça sent la peur, les explosifs, les corps s’empilent les uns sur les autres, d’autres tombent des balcons ou des corbeilles.

La panique s’empare des spectateurs encore indemnes et c’est la ruée vers les sorties et les issues de secours. Comble de malchance, les issues ont été volontairement bloquées ou sont gardées par des terroristes qui abattent tous ceux qui veulent sortir. Un vrai carnage!

L’équipe du GTI prend position autour de la salle. On entend fuser les ordres à travers les hurlements des spectateurs retenus en otage, du moins ceux qui sont encore en vie.

À travers la fumée qui a envahi la salle et qui entrave la respiration, on entend la voix du chef terroriste crier :

- Je vous avais prévenu!

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Et sans aucune autre forme d’avertissement, il porte la main à sa poitrine pour déclencher sa ceinture d’explosifs. Sur ce, tous les terroristes feront de même et une succession d’explosions aussi tonitruantes que dévastatrices frapperont l’ensemble des niveaux de la salle.

Peu en réchapperont indemnes. Mis à part les centaines de morts, il y aura beaucoup de blessés et le bilan aurait pu être pire encore si toutes les bombes avaient explosé...

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Je suis allongé dans mon lit; j’ouvre les yeux et j’aperçois ma compagne me souriant d’un air interrogateur qui me demande d’où j’arrivais. Je réalise alors que tout cela n’était qu’un rêve et que soudainement, c’était si silencieux...

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Je me rends alors dans ma discothèque et je ressors, tout fébrile, le double CD du spectacle live enregistré ce soir-là où les interventions de Frampton auprès de la foule de Montréal sont scrupuleusement enregistrées et donnent une saveur toute locale et unique à l’album. La preuve que tout cela n’était finalement et heureusement qu’un rêve!

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Texte de M. Alain Morand, Montérégie-Est

Publié le 1er novembre

Soudainement, c’était si silencieux...

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C’était une enfant bien ordinaire qui ne faisait jamais de vague. Elle voulait passer le plus possible inaperçue, mais la vie en avait décidé autrement. Elle était d’une beauté lumineuse. Bien qu’elle ne s’aperçût pas de cet attrait qui plaisait à tout le monde, elle était aussi douce, sage et ricaneuse. Son hypersensibilité la faisait pleurer souvent pour tout, mais pas pour rien. Elle pouvait percevoir une parole ou un bruit comme étant trop forts, ou si on la faisait sursauter, alors elle pleurait. Tout son corps réagissait aux moindre événements, aux moindres perceptions. Les sons étaient amplifiés, les lumières trop fortes, l’odorat aiguisé, tous ses sens étaient sollicités surtout le toucher. Cet enfant n’était pas habileté à se protéger de ces intempéries normales de la vie. Elle absorbait les émotions, les vibrations provenant de sa famille et de son entourage, comme une rétention de douleurs ou de plaisirs.

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De par sa timidité elle n’arrivait pas à s’exprimer, elle avait toujours peur de déranger, de déplaire et surtout, de se faire gronder. Alors elle faisait tout ce qu’on lui demandait. Ces parents étaient heureux d’avoir une enfant sur deux, aussi docile. Mais lors de l’adolescence, tout a changé. Il n’était plus question d’obéir à tout sans dire un mot. Elle s’affirmait, apprenait à dire NON et s’afférait à se délivrer de cette cage dans laquelle elle s’était enfermée. Cependant, lorsqu’elle voulait faire valoir son point de vue ou qu’elle disait non à une consigne, ses parents rétorquaient par une forme violente, physique ou verbale.


Toute une bataille se dressait devant elle. Par où commercer et de quelle manière s’y prendre. Ouf! Tout un projet pour cette jeune fille qui aspirait à devenir elle-même. N’ayant aucune idée comment procéder, elle décida de se dissocier de sa sensibilité et de ses émotions. Elle savait très bien qu’elle se ferait manger tout rond, surtout pendant la période de l’adolescence.

Alors elle était devenue un peu arrogante envers ses amies et une partie de son entourage. Elle avait trouvé cet exutoire pour soulager ses propres souffrances.
Devenu jeune adulte, elle s’intéressa aux livres sur la croissance personnelle, la psychologie, les rencontres de groupe sur la pensée positive, la clairvoyance etc. Malgré tout, elle ressentait un profond inconfort qu’elle n’arrivait pas à comprendre et qui s’était transformé par une douleur physique. Un mal de dos c’était installé sans raison apparente et qui l’a dirigé vers plusieurs séances en chiropractie, ostéopathie, acupuncture et massothérapie. Ces soulagements temporaires lui permettaient de souffler un peu. Elle ignorait que toutes les émotions et les sentiments négatifs qui n’étaient pas vécus ou exprimés, s’imprégnaient.

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Peu après, tout a basculé à l’âge de 26 ans, lorsqu’une dépression majeure lui est tombé dessus. Elle n’avait aucune idée de ce qui se passait en elle. Fatigue extrême, douleur au thorax (anxiété, angoisse) aucun intérêt pour quoi que ce soit, le vide total dans sa tête. Incapacité à fonctionner, à penser, à agir, tout devenait une montagne infranchissable. Se lever du lit était la fin du monde, se nourrir, se laver, aller à la toilette. Toute sa routine quotidienne lui semblait impossible à faire. La moindre petite chose devenait une épreuve insurmontable. Elle ne savait pas comment réagir pour améliorer son sort. Elle travaillait à temps partiel à ce moment-là, malgré tout, elle déambulait comme une morte vivante, aucune expression faciale, aucune envie, aucun but, rien d’autre que de vouloir DORMIR. Cette douleur intérieure causé par l’anxiété et l’angoisse découlait d’une accumulation d’épreuves, de chagrins, de déceptions, de colères, d’agressions physiques et psychologiques, bref! le presto venait de sauter.

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Où était passé la petite fille enjouée, ricaneuse, espiègle, sensible, drôle, remplie d’imagination, d’amour et lumineuse? Elle n’était plus la même. Elle ne reconnaissait même plus son reflet dans le miroir, qui lui renvoyait un regard mort d’expression et de vitalité. Elle voyait une étrangère qui ne voulait pas partir. Elle avait honte, elle était désespérée, elle ne voulait pas que les gens la voient comme ça puisqu’elle n’était plus la même.

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Au fil des années, elle passa à travers 12 dépressions, dont celles-ci duraient entre 4 à 9 mois. Malheureusement, elle n’avait pas de médecin de famille qui aurait pu lui permettre d’avoir un suivi approprié. Alors elle s’accrochait jusqu’à temps qu’elle reprenne vie. Aussitôt, tout devenait possible, elle ne voulait rien manquer. Les sorties, les fêtes, les activités, l’amour, le plaisir, la beauté du monde. Tous ses sens reprenaient vie, elle débordait d’énergie. Ça lui faisait du bien de retrouver cette fille radieuse et enjouée, surtout après chaque dépression qui venait lui voler son identité.

Quelques années plus tard, son état de santé s’est dégradé. Les antidépresseurs qu’elle prenait depuis deux ans n’avaient aucun effet. Le tourbillon de la dépression ne voulait plus partir. Au désespoir, elle s’est rendue à l’urgence puisqu’elle n’avait pas d’autre choix car, le suicide venait cogner une autre fois à la porte de son âme dévastée.

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Pour la première fois, un médecin lui posa les bonnes questions et en quelques minutes, il prononça son diagnostic. « Soudainement, c’était si silencieux... »


Elle était bouche bée, elle avait les larmes aux yeux. Quel soulagement! Quelqu’un venait de trouver son problème en lui annonçant qu’elle souffrait d’un Trouble de l’humeur (La bipolarité). Enfin, elle pouvait arrêter de se culpabiliser puisqu’elle n’avait aucun contrôle sur ces états d’être.

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Ce psychiatre venait de changer sa vie. Il avait fallu 18 ans avant de découvrir ce trouble qui lui avait occasionné 12 dépressions et 6 épisodes de manie (high). Puisqu’elle était jeune et pleine d’énergie, aucun professionnel de la santé avait détecté ce trouble, d’autant plus, qu’elle n’était pas dans le groupe d’âge assujetti à ce diagnostic. Finalement, elle pouvait commencer à prendre les bons médicaments pour rééquilibrer sa santé mentale et se refaire une vie. Toutes ces incapacités lui avaient fait PERDRE plusieurs emplois, des relations amoureuses, des relations adéquates avec sa famille et certains contacts avec la réalité. La seule chose qu’elle n’avait jamais perdue c’était, la Foi qui l’avait toujours accompagnée, mêmes aux moments où elle avait tenté de s’enlever la vie.

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Aujourd’hui, après toutes ces sautes d’humeurs, elle est toujours reconnaissante et remplie de gratitude. Toutefois, elle reste vigilante car elle est plus vulnérable à la dépression. Alors elle est à l’écoute du moindre signal d’alarme dans son corps tel que l’angoisse, l’anxiété ou un sentiment de détresse profond qui parfois, peut vouloir perdurer. Soutenu par son médecin de famille, sa psychiatre et la psychothérapie, elle arrive à passer à travers ces périodes difficiles. L’accompagnement de ses proches l’aide aussi à continuer d’aller de l’avant. Elle accepte tant bien que mal sa situation et garde ESPOIR qu’il y a toujours une issue...

 

 

Texte de madame Lucie Leblanc, Laurentides

Publié le 1er décembre

    Bonjour Monsieur! 

 

              Ce sont ces deux mots que les perruches de mon père prononçaient quand un visiteur sonnait, entrait dans le vestibule. Mon père a toujours adoré les oiseaux. Petit, je le voyais avec ses sacs de graines en train de nourrir les oiseaux sur le terrain familial.

 

               Un jour, mon père m'amène chez un animalier. C'est ma première visite dans un magasin de ce genre. La personne responsable du commerce nous le fait visiter avec joie car nous sommes les seuls clients. Chiens, chiots, chats, reptiles, poissons et surtout un perroquet multicolore qui parle pour vrai. 

Mon père et moi, on est estomaqué. Le vendeur précise qu'il est possible aussi d'avoir une simple perruche et de la faire parler à condition qu'elle soit jeune. Il nous amène dans son immense volière où un arc en ciel de perruches nous attendent. Quelles couleurs choisir?

Les bleues sont depuis hier dans la volière. On repart avec une perruche bleue, cage, graines, miroirs et tout le nécessaire pour garder Coco et espérer le faire parler. En arrivant à la maison, c'est le grand chantier. On tasse les meubles, on installe la cage près de la fenêtre; en hauteur, à côté de la table pour manger. On dépose notre Coco bleu dans la cage, porte ouverte.

 

            Le lendemain matin, Coco ose déjà une première sortie. Mon père ne cesse de répéter:

«Bonjour Monsieur, Bonjour Monsieur» et ce à tous les jours. Coco est un aventureux, il vient sur notre épaule, s'y gambade pour atteindre notre lobe d'oreille qu'il picore avec joie. Il se dirige ensuite sur le bord de nos assiettes et mange avec engouement la moindre graine de toast qui s'y trouve.

Et tout le monde répète:»Bonjour Monsieur, Bonjour Monsieur»

 

          Un mois plus tard, je vois arriver un gros camion brun venant livrer un colis. Le livreur, tout en brun lui aussi sonne, entre dans le vestibule et remet un paquet à mon père.

 Bonjour Monsieur, Bonjour Monsieur... s'écrie notre Coco. Je vois encore le visage ahuri du livreur. 

 

C'était le début d'une longue saga de perruches parlantes.

Malheureusement, rendu trop vieux pour s'occuper de son dernier Coco vert, mon père me le confie car il doit entrer en résidence, sa maladie incurable prend trop de place.

 

 On trouve, pour lui, un lieu de paix où la zoothérapie est pratiquée. Mon père se retrouve avec un Coco vert en cage dans sa chambre. Comme vous le devinez, un peu plus tard , Coco vert nous accueillait avec des retentissants «Bonjour Monsieur» à chacune de nos visites. Les préposés n'en revenaient jamais.

 

     Un matin, ma blonde et moi arrivons à la chambre de mon père. Un étrange silence y règne. C'est l'infirmière qui nous reçoit. Elle nous annonce le décès de mon père. Elle ajoute qu'elle a rejoint le reste de la famille et nous laisse une dizaine de minutes seuls en prenant soin de tamiser la lumière.

 

On se retrouve, en silence, près de son lit. Ma blonde me dit: » Crois-tu que la chanson de Claude Dubois avec ses mots, t'sé, si Dieu existe/ et qu'il t'aime/ comme tu aimes les oiseaux/. Il est peut être avec nous, en haut au plafond en train de nous regarder. Je ne le sais pas, lui dis-je, mais j'essaye quelque chose: » Papa si tu es avec nous, fais chanter les perruches»

 

    Un vrai concert! Non seulement son Coco vert mais toutes les perruches à l'étage piaillent à l'unisson. L'infirmière arrive à la course nous demandant de l'excuser, elle reviendra plus tard, le temps de calmer les Cocos verts, jaunes, bleus, blancs de l'étage. Elle sort en vitesse.

 

 À ce moment là, seul de nouveau avec ma blonde, je dis: » Papa, ok., on sait que tu es là.

Ça va bien aller, va rejoindre maman, vas y !

Avant de nous quitter, s.v.p.,  peux-tu arrêter les Cocos de chanter ? »  

 

Soudainement, c'était si silencieux.

 

Texte de M. Daniel Champagne

Publié le 15janvier 2022

Soudainement, c’était si silencieux    

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Par une belle journée d’hiver, un ciel bleu azur, un soleil brillant et lumineux, je me lève. Oh! Surprise, une tempête de neige avait recouvert toute la ville. Les voitures étaient ensevelies sous un manteau blanc. Tout était encore endormi, aucun signe de vie, aucun bruit. Tout était silence! Je regardais par la fenêtre ce spectacle saisissant de blancheur.

Puis tout à coup, cela se mit à bouger. Une déneigeuse apparut suivie d’un gros camion pour ramasser et déblayer la route. Le silence du matin fut rompu.

Je reprends conscience, la journée commence, la routine reprend son chemin. Je prends mon café avec des toasts, le téléphone sonne: une amie me propose d’aller marcher cet après-midi.

Nous partons vers 14 heures. Je mets mes grosses bottes d’hiver, mon manteau chaud et ma tuque et nous voilà parties. Nous prenons les chemins qui sont dégagés et nettoyés par la ville. J’ai une petite préférence pour celui qui est en face du parc de la coulée. À l’entrée, il y a un arbre. Un érable fraîchement planté en l’honneur d’un jeune homme parti bien trop tôt et qui me touche de près. À chaque fois que je passe à côté, je m’arrête et mon cœur devient silencieux. Mes pensées sont pour lui dans un silence profond et recueillant. Ce jeune homme qui se battait déjà pour sa vie, un cancer incurable, disait-on… Examens sur examens, il gardait toujours le moral avec une envie de vivre comme un jeune de vingt ans devrait vivre sa vie. Il avait un sourire tellement franc, tellement vrai qu’il aurait pu faire sourire le plus triste d’entre nous. Et surtout, il gardait l’espoir d’aller aussi loin que la vie lui aurait permis, mais au détour de la route, cette route qui fait mal, la rencontre d’un gros camion lui a valu la perte de sa courte vie. Des parents atterrés, meurtris par la douleur insurmontable. Toute la famille et les amis décomposés et réunis dans la tristesse.

Et soudainement, c’était devenu silencieux, un silence indéfinissable…

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Nous reprenons notre chemin, nous discutons de choses et d’autres, d’un bon ou mauvais film que nous avons vu la veille ou d’une émission. Nous partageons nos avis qui souvent diffèrent et c’est cela que nous aimons, les discussions peuvent être animées. Je m’arrête parfois pour admirer la vue, j’apprécie silencieusement ce magnifique paysage que nous donne cette belle nature. Il y a aussi un pont où en dessous coule un petit cours d’eau, et là, à notre grande surprise, une file de canards et cannes: de jolis colverts aux couleurs splendides. Ils viennent même jusqu’au chemin au-devant de nous. Ils attendent la nourriture. On s’attarde un peu, nous prenons le temps de les admirer. C’est un vrai plaisir et un moment de silence parfait.

Nous marchons d’un bon pas, c’est notre marche de santé. Sur notre chemin, nous rencontrons et saluons avec plaisir des inconnus ou des connaissances. Nous bavardons quelques instants avec entrain, nous sommes en période de pandémie et nous voyons peu de monde. Cela nous donne un peu de baume au cœur de pouvoir échanger avec d’autres personnes. Ce coronavirus nous bouffe la vie, nous prive de nos contacts humains et surtout de notre famille. Le vaccin est là et nous allons le neutraliser.

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La marche est notre seule distraction, mais il arrive à un certain moment que l’envie nous manque! Et pourtant nous changeons d’endroits, nous allons au Mont-Saint-Bruno, là, il y a beaucoup de chemins tracés pour les marcheurs. J’aime beaucoup cet endroit où la nature nous offre une variété de paysages, parfois nous gravissons des pentes abruptes.

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Nous marchons à vive allure. Cela nous prend une heure à une heure trente, selon notre courage et notre envie et souvent selon notre humeur. Au détour du chemin. Oh! surprise, un beau cerf, seul ou à l’occasion un autre suivi de sa petite famille, pas sauvage du tout. Quelle merveille, ils sont magnifiques!

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Après l’effort, le réconfort. Avant la pandémie, nous avions pris l’habitude d’aller nous offrir, dans une délicieuse pâtisserie, un café avec un gâteau. Pour elle, une amandine et pour moi une tarte citron chocolat. Le meilleur moment de notre journée. Nous nous installions à une table, selon le temps, à l’extérieur ou intérieur. C’était notre petit coin de jardin secret, mais depuis un an déjà, nous en sommes privées. Alors maintenant nous rapportons notre petit gâteau chacune chez nous, c’est triste et bien dommage, cela nous manque beaucoup. Cette belle journée d’hiver se termine là. Je rentre seule et soudainement, je retrouve le silence de ma solitude.

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Je suis à l’hiver de ma vie, j’ai envie de retrouver mes activités d’avant, le bruit des gens autour de moi, les conversations entre amis, le contact humain et surtout la chaleur de ma famille. Dans quelques jours, le printemps sera là, la nature reprendra ses droits. Les arbres revêtiront leurs parures de tout un camaïeu de verts des plus tendres au plus vifs, les oiseaux nous enchanteront par leurs différents cris et chants. Les fruits orneront les arbres et les champs, les légumes peupleront les jardins. La vie reprendra son cours et moi j’attends dans le silence de mon chez-moi que tout renaisse à la vie. 

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Texte de Madame Danielle Lemonnier, Montérégie-Est

publié le 14 février 2022

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