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Textes concours d'écriture 2023

« Je fais ou ne fais pas du bénévolat, parce que... »

Attachons nos ceintures.

 

Nous allons tous crever un jour ou l’autre.

 

Je suis tanné de vivre, car je n’ai personne à qui parler. J’aimerais raconter ma vie, ma jeunesse, mes amours d’autrefois. Mais je suis seul face à un mur et j’attends.

 

Il n’y a que le silence pour me répondre.Je repasse dans ma tête les épisodes de ma vie qui me reviennent de façon aléatoire. Où sont les miens? Où sont ceux que j’ai aimés? Où sont mes enfants, ma famille? Ils ont tous leurs occupations quotidiennes.

Jusqu’à un certain point, je les comprends. Moi aussi j’ai longtemps cru que la priorité, c’était le respect des inscriptions dans mon agenda.

 

Durant toute ma vie, j’ai essayé de respecter un calendrier. De faire ce que je devais faire.

 

Et voilà où j’en suis.

 

J’ai montré à mes enfants à avoir une discipline. À respecter leurs engagements. À ne pas faire faux bonds.

 

Performer. C’était la priorité.

 

Garder l’accent sur l’objectif sans se faire distraire.

 

J’ai déjà fait du bénévolat, mais plutôt de façon apparente pour être reconnu, sans 

 

avoir de contact avec les gens. Je faisais partie d’un conseil d’administration qui me 

 

donnait suffisamment de visibilité et ne me demandait pas d’avoir à interagir avec les 

 

bénéficiaires. Cette partie était assurée par le directeur général, grassement payé qui savait bien recruter et se servir des gens qui travailleraient fort sans faire ombrage aux « vedettes » du conseil d’administration.

 

Je suis en phase terminale au niveau de ma motivation à continuer à vivre. Plus rien ne m’importe. J’ai passé ma vie en étant autonome, sans avoir besoin de dépendre de quiconque. Je ne voulais pas avoir de charité, à moins d’y être obligé.

 

Aujourd’hui, je n’ai plus le choix. Il me faut demander de l’aide, ce que je me suis résigné à faire.

 

Est-ce une bonne idée, quelle sorte de personne va prendre soin de moi? Quelles seront  ses motivations profondes? Y a-t-il une chance que je sois abusé?

 

Pourquoi ces gens s’occuperaient-ils de moi? Je ne suis pas riche, je suis malade, ma famille est ailleurs. Un être humain pour se consacrer seulement à moi ? Simplement parce que j’existe? Quel réconfort!  Lorsqu’elle me quitte, je suis triste et j’ai déjà hâte de la revoir.

 

Mais qu’est-ce qui peut bien la motiver à se préoccuper de moi? Je n’ose pas le lui demander. 

 

Elle est ma bouée de sauvetage. Une bénévole qui veille sur moi à l’occasion. 

 

Moments magiques passés ensemble. Ma vie reprend sa signification lorsque qu’elle est à mes côtés.

 

Je comprends que quelqu’un fasse du bénévolat envers une relation très proche, ayant un lien de famille, mais s’occuper de quelqu’un qui lui est complètement étranger, cela m’intrigue. 

 

Jamais elle ne pose de questions indiscrètes à mon sujet. Elle me transmet son rayonnement à agrémenter ma vie maintenant. Pas des promesses. De l’action pure et simple. Pas de langue de bois. Elle me parle directement avec son cœur et s’adresse au mien.

 

Est-ce la cause? Est-ce moi?

 

Il faut que ce soit pour un idéal. Ce ne peut être que pour moi. Je n’ai pas l’impression que je le mérite.

 

Si elle est là, c’est qu’elle croit aveuglément en ses principes.

 

Il faut le faire: s’oublier pour une idée à laquelle on croit.

 

Elle le fait tout simplement. Elle sait très bien qu’elle ne recevra aucun remerciement spécial de la part de l’organisation , sauf peut-être une note impersonnelle envoyée par la direction à Noël.

 

Mais elle a la foi. Elle le fait encore par principe et c’est moi qui en profite au plus haut point.

 

Elle a peut-être une vie à elle qu’elle met de côté pour s’intéresser à moi. Elle a peut-être une famille qu’elle laissera durant un certain temps pour s’occuper de moi.

 

À mes yeux, c’est cette bénévole qui est le centre de mon univers. Elle est l’incarnation de la vision qu’elle défend. Et en plus, c’est moi qui en profite. 

 

Elle est maintenant de plus en plus ma raison de vivre.

 

Elle m’a fait renaître. Elle m’a remis au monde.

 

Elle ne le sait probablement pas, et comme je la connais, elle ne veut pas que je lui dise. Je crois qu’elle le ressent et cela lui suffit.

 

Quelle personne extraordinaire!

 

C’est vrai que nous allons tous crever un jour ou l’autre, mais avec le bénévolat, la 

 

façon de me rendre à ce point final en sera de beaucoup améliorée. 

 

Il y a l’aide médicale à mourir, mais il y a  l’aide à mieux vivre pour profiter du temps qui 

 

nous reste, et ça s’appelle le bénévolat. 

 

Ensemble, ma bénévole et moi sommes comme une ceinture de sécurité. Du moment que l’on s’accroche, notre raison de vivre prend tout son sens.

 

 

 

 

Texte de Michel Guertin, région des Laurentides

Publié le 1er mai 2024

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